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Extrait de l’hebdo n°3918
Le Bureau national de la CFDT a décidé à l'unanimité, le 24 avril, de signer les deux accords nationaux interprofessionnels sur le compte épargne temps universel et la reconversion professionnelle. « Le Cetu est né », s’est aussitôt réjouie sa secrétaire générale, Marylise Léon.
Il n’aura fallu que deux petites séances de négociation aux cinq organisations syndicales (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et CFTC) pour s’entendre avec l'U2P sur la création du compte épargne temps universel (Cetu), et la reconversion professionnelle. Après l’échec de la négociation Pacte de la vie au travail, début avril, et l’annonce dans la foulée par le gouvernement d’une reprise en main de l’assurance chômage, tous avaient à cœur de trouver une voie de passage et ainsi démontrer que le dialogue social est toujours créateur de droits nouveaux. C’est chose faite ce 23 avril avec la conclusion de deux accords nationaux interprofessionnels.
Le compte épargne temps universel, pour tous et à tout moment !
Le premier acte la naissance du compte épargne temps universel (Cetu), une revendication initiée et portée par la CFDT depuis plus de dix ans. Le thème figurait déjà dans le document d’orientation transmis par le gouvernement aux partenaires sociaux le 21 novembre 2023, mais il avait été retiré de la négociation Pacte de la Vie au travail par le Medef et la CPME. C’était sans compter sur la volonté de l'U2P d’avancer sur le sujet, afin « d’offrir aux entreprises de l’artisanat, du commerce de proximité et des professions libérales un gain d’attractivité auprès des salariés qui pourront disposer d’un outil aujourd’hui réservé aux salariés des grandes entreprises ».
« C’est une véritable avancée pour les salariés et une victoire pour la CFDT », a argué de son côté le chef de file Yvan Ricordeau. Nous avons une proposition de Cetu robuste. Elle permet des modes d’alimentation assez intéressants et des modalités d’utilisation, en termes de portabilité et d’universalité, qui correspondent à ce que la CFDT souhaitait. L’étage 1 de la fusée est donc posé. »
Concrètement, le Cetu vise à permettre à chaque salarié âgé d’au moins 16 ans d'épargner des congés, des RTT, des primes, etc. pour s'en servir plus tard au cours de sa carrière, par exemple pour accompagner un proche, prendre un engagement associatif, ou encore pour un aménagement de fin de carrières.
A la différence du CET “classique”, qui existe déjà dans certaines entreprises, il est universel et attaché au salarié lui-même et non au contrat de travail. Autrement dit, il est portable (pas de perte de droits en cas de changement d’emploi par exemple) et mobilisable par le salarié, et uniquement par lui, tout au long de sa carrière professionnelle.
Sa gestion serait confiée à un organisme externe, à savoir la Caisse des dépôts et consignations, et le compte serait alimenté par l’employeur via la déclaration sociale nominative (DSN) sur la base du montant qu’aurait dû normalement percevoir le salarié.
Un dispositif de reconversion professionnelle plus simple
Le même jour, un second accord national interprofessionnel a été conclu sur la reconversion professionnelle. Il crée « un nouveau dispositif simple et efficace » mentionne l’accord : la période de reconversion. Celle-ci a vocation à remplacer les dispositifs Pro-A et Transco, et répond à deux types de situation : recruter une personne pour la former à occuper un emploi pour lequel elle ne dispose pas des compétences et qualifications requises au moment de son recrutement ; ou reconvertir des salariés en interne notamment dans le cadre d’un projet de transformation d’une entreprise.
Le projet de transition professionnelle demeure quant à lui inchangé et coexiste avec la période dite de reconversion. « Tous les dispositifs de reconversion seront donc organisés suivant un même principe : le maintien du contrat de travail. C’est un point important car ce texte permettra de repousser la proposition patronale initiée par le Medef (dans le cadre de la négociation PVT, NDLR) qui reposait sur la rupture du contrat de travail », expliquent Isabelle Mercier et Yvan Ricordeau, les deux négociateurs CFDT.
« Ce projet d’accord comporte aussi une demande de l’U2P de prise en charge des indemnités de licenciement pour inaptitude des salariés embauchés après 55 ans : ce point a été fortement encadré par les organisations syndicales. Avec ces deux accords, nous avons ainsi fait aboutir deux des quatre thèmes du document d’orientation de la négociation PVT », se sont félicités les deux négociateurs.
Une transposition dans la loi à l’automne ?
La CFDT est la première organisation syndicale à avoir voté, le 24 avril, la signature de ces deux accords. Les autres ont jusqu’à la mi-mai pour se prononcer. S’agissant du Cetu, la CGT et la CFE-CGC ont d’ores et déjà indiqué leurs réticences. « Je pense que nous signerons cet accord, qui est un très bel accord », a indiqué de son côté Pierre Burban, le secrétaire général de l’U2P, à la sortie de la séance de négociation. L’organisation patronale doit donner sa réponse définitive après son conseil exécutif du 25 avril 2024.
Reste à savoir le sort que leurs réservera le gouvernement. A ce stade, il se dit « très intéressé » par le contenu des deux ANI dont il pourrait reprendre des éléments dans sa future loi Travail 2 qu’il entend présenter en Conseil des ministres à l’automne prochain. « On vise que ces deux textes intègrent la loi à l’automne », a indiqué de son côté Yvan Ricordeau.
« Il restera une discussion à avoir sur l’emploi des seniors et l’usure professionnelle, pour lesquels on s’appuiera sur des éléments du texte inabouti. Une fois que le projet de loi sera adopté par le Parlement et mis dans le code du travail, l’ANI Cetu pourra être étendu, pour rendre normatif pour les entreprises ce qui n’est pas rentré dans le Code du travail mais qui est dans l’accord. Cette question se posera en 2025. »