Temps de lecture 5 min
Extrait de l'hebdo n°3956
Quelques milliers d’emplois pourraient être supprimés dans les mois qui viennent au sein des collectivités territoriales. Les organisations syndicales tirent la sonnette d’alarme devant ces plans sociaux déguisés, et s’inquiètent des coupes budgétaires tous azimuts.

Début octobre 2024, la Cour des comptes avait annoncé la couleur. Dans un rapport au vitriol, la rue Cambon préconisait déjà de répondre au déficit de l’État en supprimant 100 000 emplois dans les collectivités. Une provocation qui niait alors le transfert de compétence de l’État vers les collectivités au cours des dernières années autant qu’elle plombait (un peu plus encore) l’attractivité des métiers du service public. Quelques mois plus tard, l’emploi semble bel et bien en première ligne dans les collectivités locales. Confrontées à une baisse substantielle des moyens alloués par l’État et dans l’obligation de présenter un budget 2025 à l’équilibre, les collectivités françaises font pleuvoir les coupes budgétaires.
La Haute-Garonne est le premier département à avoir affiché la couleur. Brutalement et sans concertation. La collectivité, contrainte de réduire les dépenses pour « parvenir à réaliser un effort total de 160 millions d’euros lors du vote du budget 2025 », annonçait début novembre 2024 par mail qu’elle allait supprimer 500 emplois sur un total de 7 200 agents. Quelques jours plus tard, près de 2 000 agents étaient en grève dans les rues de Toulouse, dont une bonne part de contractuels… qui n’ont pas vu leur contrat renouvelé au 31 décembre. Depuis, au Conseil départemental, « le climat social est très tendu, avoue Hugues Bernard, d’Interco 31, qui pointe « un effort sur la masse salariale à hauteur de 21 millions d’euros. On comprend la contrainte budgétaire, assure-t-il, mais on aurait pu penser des réorganisations en s’appuyant sur la pyramide des âges, qui va naturellement se lisser à partir de 2025 ».
Des collectifs de travail mis à mal
Bien que sonnée par cette annonce, la CFDT a, depuis, fait plusieurs propositions : épargner les publics les plus fragiles (les plus de 55 ans, aidants familiaux, parents isolés…) mais aussi recenser les départs volontaires… « Ce n’est pas le choix qui a été fait. La brutalité de l’annonce a mis à mal les collectifs de travail, et on craint le deuxième coup de ciseaux avec l’arbitrage sur les politiques publiques, qui sera communiqué fin mars, pour lequel le débat d’orientation nous annonce 35 millions d’euros de coupes supplémentaires. »
Une autre Région semble concentrer à elle seule les provocations. En Pays de la Loire, agents et organisations syndicales ont appris avec stupéfaction la suppression de 100 postes au sein de la Région, justifiée par la présidente de Région par l’augmentation du point d’indice et la participation financière de l’employeur à la protection sociale complémentaire des agents1. Une provocation, estime Aurore Briand, secrétaire de la section CFDT du conseil régional. « On nous affiche comme la cible de mécontentement des agents en expliquant que c’est notre faute si des emplois sont supprimés car il faut bien financer la prévoyance et la hausse des salaires. C’est un comble ! »
En amont, la Région avait déjà suscité l’émoi en annonçant début novembre dernier 100 millions d’euros d’économies dans son budget avec des coupes drastiques comprises entre 40 et 70 % dans les domaines de la culture et du sport. « Avant même que le budget soit voté, la Région envoyait des courriers aux associations en leur informant d’une baisse de leur subvention. Cette communication, brutale, a fait beaucoup de mal aux agents, car ce sont eux qui ont ensuite dû répondre aux associations. »
Des milliers d’emplois menacés dans le secteur associatif
Depuis le début de l’année, les exemples de coupes budgétaires n’ont cessé de se multiplier : le Val-de-Marne a voté une diminution des enveloppes des associations dites de solidarité, dont une baisse de 77 % sur trois ans subie par le Secours populaire. Le département du Nord a amputé de 25 % sa dotation à la prévention spécialisée (elle finance les postes d’éducateurs de rue dans les quartiers sensibles). Dans l’Hérault, les financements destinés à la culture ont été purement et simplement supprimés. Dernier exemple en date : fin janvier, le Conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes a supprimé l’intégralité de sa subvention à la chambre régionale de l’ESS2 et la moitié de ses équivalents temps plein. « Ces arbitrages budgétaires mettent en péril des structures privées à but non lucratif qui emploient 11 % des salariés en France dans la santé, le travail social, l’éducation et le sport mais qui font face à une baisse continue des subventions publiques depuis vingt ans, alerte la CFDT.
Le secteur associatif quant-à lui est aujourd’hui au pied du mur, l’austérité budgétaire menaçant de détruire des milliers d’emplois dans de nombreuses structures. En 2024, 856 associations ont été concernées par des procédures collectives (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire). C’est 82 % de plus qu’il y a deux ans.