Pour ses compagnons, il était « El Chino ». Pour le syndicalisme indépendant vénézuelien, il restera le grand reconstructeur. Carlos Navarro est décédé le 19 novembre à Toronto où il vivait en exil depuis deux ans.
Carlos Navarro, président de l’Alliance syndicale indépendante (ASI Venezuela), est décédé le 19 novembre au soir à Toronto (Canada) à l’âge de 65 ans. Emporté par la Covid-19, il est mort en exil, loin de son cher pays. Loin de beaucoup de ses amis, de ces milliers de militants d’ASI qu’il aimait et qui l’admiraient tant. « El Chino », comme l’appelait chaleureusement ses compagnons, était un leader charismatique, un professeur patient, un militant passionné, un ami sensible.
Carlos était un leader syndical très respecté en Amérique latine. Un long parcours militant entamé en 1972 l’a conduit à devenir, dans les années 1990, secrétaire général de ce qui était alors une puissante organisation syndicale, la Confédération des travailleurs vénézuéliens (CTV). Il a aussi dirigé la Confédération latino-américaine des travailleurs (CLAT), qui regroupait les organisations du sous-continent affiliées à la Confédération mondiale du travail (CMT), avant la fusion du syndicalisme démocratique mondial, qui a abouti à la création de la Confédération syndicale internationale (CSI) en 2006, et de sa régionale, la Confédération syndicale des Amériques (CSA).
Au fil du temps, la CTV s’est beaucoup affaiblie, victime des rivalités entre les partis politiques qui voulaient la contrôler et des attaques frontales d’Hugo Chavez. Carlos, conscient des graves carences de cette centrale, avait lancé, dès le début du nouveau millénaire, un mouvement de refondation du syndicalisme vénézuélien, pour le rendre plus proche des travailleurs, et indépendant des partis politiques. D’abord créée sous forme d’association, l’ASI Venezuela regroupait des syndicats encore affiliés à la CTV. Ce fut un long labeur pour élargir le cercle, former des militants et des dirigeants, développer l’adhésion. En 2015, l’ASI comptait plus de 200 syndicats et représentait 430 000 adhérents. Il était temps de franchir le pas. Au mois de décembre, un congrès constitutif transformait l’ASI en centrale syndicale à part entière, ses syndicats coupaient les ponts avec une CTV sur le déclin.
Une organisation indépendante, de proximité et de dialogue
La CFDT était présente à ce congrès, et découvraitune équipe dynamique et ambitieuse qui, sous la houlette de Carlos Navarro, affichait des valeurs proches de celles de la CFDT : démocratie, indépendance, proximité, dialogue, équité, volonté de représenter tous les travailleurs, etc. On ne pouvait mieux s’inscrire dans ce que la CSA appelait alors « l’auto-réforme syndicale » visant à renouveler un syndicalisme latino-américain trop éloigné des préoccupations des travailleurs. Aussitôt, une coopération s’organisait, en s’appuyant sur l’Institut Belleville, pour soutenir une organisation aussi prometteuse, et des liens d’amitié se nouaient avec Carlos et son équipe.
Ces dernières années, le Venezuela a connu une véritable…