Bonduelle ferme son site de Saint-Mihiel

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iconeExtrait de l’hebdo n°3932

La direction de Bonduelle a brutalement annoncé la fermeture de son site de Saint-Mihiel (Meuse / Grand Est) spécialisé dans la fabrication de salade en sachet. Les 159 salariés – ainsi que 42 personnes du siège, à Genas (Rhône / Aura), elles aussi concernées par un licenciement – sont sous le choc.

Par Emmanuelle Pirat— Publié le 10/09/2024 à 12h00 et mis à jour le 23/09/2024 à 14h09

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[Mise à jour du 23 septembre 2024]

Plus de 220 personnes ont défilé dans le centre-ville de Saint-Mihiel, le samedi 21 septembre, contre la fermeture brutale de l’usine Bonduelle. Plusieurs élus (maires et représentant du département) étaient venus en soutien, tout comme les militants CFDT issus de divers secteurs, particulièrement mobilisés.

Ce fut la sidération. L’incompréhension. L’annonce, le 29 août, de l’arrêt définitif de l’usine meusienne à l’horizon 2025 est tombée avec une brutalité inouïe sur l’ensemble des salariés – soit 159 personnes et une vingtaine d’intérimaires. Sans compter les répercussions au siège de Genas, où 42 licenciements sont également prévus. Cette décision est jugée d’autant plus violente qu’« avant l’été, on avait l’espoir que la direction trouve des solutions. À la mi-août, elle nous avait affirmé qu’il n’y aurait pas de plan social. Quinze jours plus tard, on nous dit qu’on ferme ! », s’étrangle Stéphane Genter, le délégué syndical central CFDT du groupe Bonduelle.

Erreur de stratégie

De fait, en déficit chronique depuis la crise Covid, l’entreprise n’allait pas très bien : 4 milliards d’euros de pertes en 2022, puis 7,6 Md€ en 2023 et 11 Md€ annoncés pour 2024. « Avec l’inflation, les salades en sachet se vendent nettement moins bien. Deux euros le sachet de salade, ça revient trop cher. » Par ailleurs, le site de Saint-Mihiel fabriquait essentiellement des produits bio. « Mais avec les baisses conjuguées de la consommation et du pouvoir d’achat, ces produits ont dû être déclassés et vendus en produits lambda afin d’écouler la production. Des contrats avaient été signés avec les producteurs avant toutes ces difficultés… », explique Stéphane.

Le modèle économique était devenu intenable, et la CFDT avait multiplié les alertes. « On allait dans le mur avec leur stratégie et on leur avait dit qu’il fallait faire autre chose que de la salade, puisque la salade, ça ne marchait pas ! » La CFDT a même lancé un droit d’alerte économique, cet été, mais elle n’a pas été entendue.

Reclassement difficile

À Saint-Mihiel, les salariés sont plutôt sceptiques quant aux perspectives de reprise. La direction a annoncé chercher un repreneur depuis un an… « sans succès », affirme-t-elle. En revanche, elle va vendre l’activité (la production, les machines, etc.) en 2025 au concurrent Les Crudettes, du groupe LSDH. « Trouver un repreneur pour le site sans laisser l’activité qui va avec, c’est une façon de signer l’abandon des salariés et du territoire », dénonce Stéphane.

À propos de l'auteur

Emmanuelle Pirat
Journaliste

Le reclassement des salariés risque d’être particulièrement difficile, ce qui inquiète évidemment le délégué syndical central. L’emploi est rare dans la Meuse, et le profil des salariés pas forcément très recherché : il y a 70 % de femmes, l’âge d’un tiers des effectifs est compris entre 45 et 65 ans, beaucoup de personnes sont déjà en incapacité ou mi-temps thérapeutique. « Chez Bonduelle, on ne part pas en retraite, on part en invalidité », entend-on souvent. Travailler dans le froid, en entrepôt réfrigéré, dans l’humidité, et effectuer des gestes répétitifs – porter les cagettes ou couper les salades à la chaîne –, a abîmé ces travailleurs… Aussi, la CFDT engage toutes ses forces, à tous les niveaux (que ce soit dans l’entreprise, avec le syndicat, l’union territoriale et la fédération), refusant d’abandonner les salariés concernés à leur triste sort.