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Extrait de l’hebdo n°3928
Associer les salariés à des actions concrètes impliquant des personnes motivées est un axe fort de la résolution du congrès de Lyon. Une dynamique déjà à l’œuvre au CEA de Grenoble, où la section S2NM-CFDT (Syndicat national du Nucléaire et de la Métallurgie) fait régulièrement appel à ses adhérents pour travailler avec elle sur des sujets précis.
Dans cet établissement du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) implanté à Grenoble (Isère / Auvergne-Rhône-Alpes), la CFDT est la première organisation syndicale devant la CGT, la CFE-CGC et la CFTC. Une position qui devrait la mettre en situation de discuter avec la direction… si seulement l’action syndicale ne se heurtait pas ici à une gouvernance tributaire de ses ministères de tutelle, dont celui des finances. Concernant les salaires – première préoccupation des salariés, en particulier chez les non-cadres –, les marges de manœuvre sont donc extrêmement réduites, d’autant que le point d’indice des fonctionnaires, gelé depuis 2011, se négocie au niveau national.
Cependant, à l’échelon local, la CFDT ne s’interdit pas d’agir, bien au contraire, même si elle doit affronter la coalition des autres organisations syndicales. « C’est le revers de la médaille. Nous sommes les premiers en nombre de voix, et il y a une volonté de nous affaiblir, surtout depuis que la CFDT est devenue la première organisation syndicale française, analyse Pascal Scheiblin, délégué syndical. Nous avons donc décidé de nous orienter vers des pratiques qui nous différencient. Ainsi, nous travaillons de façon collaborative avec nos adhérents. On les consulte, on les informe, mais on fait aussi appel à leur expertise pour les causes qu’ils souhaitent défendre. »
Trouver des solutions ensemble
Lorsque des sujets émergent de façon récurrente, les militants demandent aux adhérents concernés de monter un groupe de travail et de réfléchir ensemble à ce qui pourrait être proposé en vue de remédier à une situation donnée. C’est ce qui s’est produit lorsque des chercheurs ont sollicité à plusieurs reprises l’équipe CFDT au sujet de leur mal-être au travail. La raison était souvent la même : ne pas disposer des moyens d’effectuer correctement leurs recherches. De fait, le site de Grenoble (il emploie 4 700 personnes) est majoritairement consacré à la recherche de solutions innovantes dans les domaines des nouvelles technologies de l’information et de la communication, de l’énergie, de la santé. Mais s’il est à la pointe de la recherche scientifique dans des domaines incontournables (microélectronique, énergies renouvelables…), son modèle économique dépend paradoxalement assez peu des subventions publiques, et ses travaux de recherche sont subventionnés par l’État à hauteur de 25 % seulement.
Par conséquent, les chercheurs doivent trouver eux-mêmes les trois quarts des financements dont ils ont besoin pour travailler. « Ils nous disent qu’ils passent plus de temps à chercher de l’argent qu’à faire de la science, qu’ils n’ont pas été embauchés pour cela. De fait, aujourd’hui, les moyens manquent. On a créé un collectif afin de travailler sur cette question. Les problèmes ont été analysés en détail, du manque de fonctions support au management par des experts peu formés à l’encadrement. Le groupe a produit un document récapitulant un certain nombre de constats sur lesquels nous pouvons appuyer nos revendications. »
Créer des espaces de parole
De même, au moment de la réforme des retraites, la section a créé plusieurs groupes de travail et a organisé des afterworks en vue d’expliciter la position confédérale, que certains adhérents ne comprenaient pas. « Le site compte 75 % de cadres qui vont, de toute façon, partir en retraite à 64 ans et plus. Il fallait échanger avec eux et remettre le collectif au centre des débats, précise Roland Rioux, délégué syndical. Car pour les non-cadres, la retraite à 64 ans, c’est difficilement envisageable. »
Les discussions ont également permis de prendre en considération le travail des techniciens qui œuvrent dans le milieu contraint des salles blanches, lorsque des recherches exigent une atmosphère extrêmement contrôlée (sans aucune poussière). C’est d’ailleurs pour eux que la section a engagé une action en justice, emmenant aux prud’hommes un collectif de 30 salariés afin d’obtenir une harmonisation de la prime « plateforme silicium », que la direction ne distribue pas à tous de façon équitable. L’action est en cours.
La volonté d’aider les aidants
1. Responsabilité sociale et/ou sociétale des entreprises.
De ces espaces de parole a émergé un autre thème, celui des aidants. « C’est un sujet qui fait partie de la RSE1, notre axe de campagne électorale. La direction se sert beaucoup de la RSE comme faire-valoir et, pour certaines thématiques, c’est plutôt de l’affichage, jugent les militants. D’ailleurs, il existe un groupe de travail sur les aidants depuis plusieurs années… et rien n’a avancé. »
Un nouveau groupe de réflexion a donc été mis sur pied par la CFDT. De fil en aiguille, la section a rencontré l’Association française des aidants, qui milite pour la prise en considération des aidants par les pouvoirs publics et les employeurs. Le 25 juin dernier, une première conférence s’est déroulée sous forme de webinaire avec l’aide de l’association. En amont, et toujours dans l’optique de mettre un coup de projecteur sur le sujet, la section du CEA Grenoble a communiqué le plus largement possible : tractage, envoi du lien permettant de se connecter à tous les autres sites du CEA (au total 20 000 salariés) ainsi qu’à tous les responsables des ressources humaines.
« Un salarié sur cinq est un proche aidant en France : sur les 4 700 personnes qui travaillent à Grenoble, beaucoup sont donc concernées. De plus, l’aidance recouvre un grand nombre d’activités (déplacements, repas, tâches administratives, etc.) selon des temps variables et auprès de publics divers (proches, famille mais pas uniquement). Nous avons voulu ce temps de sensibilisation afin que les salariés en situation d’aidance puissent se reconnaître, développe Roland Rioux. Il faut développer la communication sur le sujet, pouvoir aborder cette question avec son manager afin d’éviter les malentendus. »
À la suite du webinaire, les salariés disposent d’un support comprenant toutes les informations utiles, dont les différents dispositifs de congés aidants, et des formations en ligne gratuites. Le tout a été financé par la section. « Maintenant, espèrent les militants, il faudrait que les partenaires sociaux du CEA s’emparent de la question et créent de nouveaux droits pour les aidants. De notre côté, nous continuons d’avancer en donnant aux adhérents le pouvoir d’agir et de s’investir à nos côtés. »