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Extrait de l’hebdo n°3924
En dépit de la dissolution de l’Assemblée nationale et de l’hostilité quasi générale envers la réforme de l’assurance chômage, le gouvernement s’obstine à vouloir la faire passer par décret avant le 1er juillet.
1. « L’erreur est humaine, mais persévérer est diabolique ».
2. Libertés, indépendants, outre-mer et territoires.
Errare humanum est, sed perseverare diabolicum1. L’acharnement du gouvernement – de nouveau incarné, le 13 juin sur France Inter, par Gabriel Attal – à vouloir prendre d’ici au 1er juillet le décret réformant l’assurance chômage devient de plus en plus incompréhensible et dangereux. D’autant plus que la dissolution de l’Assemblée nationale met fin au parcours de la proposition de loi du groupe Liot2, qui avait de fortes chances de parvenir à empêcher cette réforme condamnée unanimement par les syndicats et de très nombreux économistes.
Un front syndical commun…
Dans un communiqué commun à huit, les organisations demandaient encore, le 12 juin, que « le gouvernement [qui] vient de subir un véritable désaveu aux dernières élections européennes [renonce] à la réforme la plus inutile, la plus injuste et la plus violente jamais vue » en qui concerne l’assurance chômage. « […] cette réforme cible ce qu’il reste des indemnisé·es, en raccourcissant la durée générale, et pourrait exclure de tout droit particulièrement des jeunes, des seniors, des femmes à temps partiel… »
Lors d’une conférence de presse organisée la veille au Conseil économique, social et environnemental par les cinq organisations syndicales représentatives en présence d’économistes et de sociologues, Marylise Léon le rappelait déjà : « Faire bouger les règles de l’assurance chômage n’aura pas l’impact attendu par le gouvernement en termes d’emploi. » Et ce, d’autant plus qu’il s’agit d’« une réforme purement budgétaire qui entraînera des économies chiffrées à terme à 5,4 milliards d’euros par an, réalisées sur le dos des demandeurs d’emploi ! ».
… Et des universitaires très critiques
Michaël Zemmour, maître de conférences en économie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, insistait pour sa part sur les effets de cette réforme, dont le premier sera selon lui « une baisse du niveau de vie des personnes indemnisées avec un effet d’amplification de la réforme des retraites pour les seniors ni en emploi ni en retraite qui risquent désormais de tomber dans la précarité ». Il pointe en outre une grave conséquence, à savoir « la baisse de la qualité des emplois éventuellement retrouvés par les demandeurs d’emploi du fait de la pression qui s’exerce sur eux ».
3. Conservatoire national des arts et métiers.
Cette analyse est partagée par Claire Vivès, docteure en sociologie au Cnam3 : « Le gouvernement juge légitime d’appauvrir les chômeurs et de les inciter à reprendre un mauvais emploi puisqu’il considère que les personnes qui sont au chômage le sont par choix. » Le postulat se révèle d’autant plus dangereux que « 14 000 décès par an sont imputables à la mauvaise santé des chômeurs, qui ont trois plus de [risques] que la moyenne de la population de se suicider et qui sont nettement plus sujets aux épisodes dépressifs, aux AVC, voire aux cancers », explique Dominique Lhuilier, professeure émérite en psychologie du travail au Cnam.
Enfin, Bruno Coquet, chercheur associé à l’OFCE, enfonce le clou : « Cette réforme n’en est pas une, c’est une coupe dans les droits des chômeurs. ». Il dénonce d’ailleurs le danger pour l’économie du pays : « Une assurance chômage trop faible empêche de maintenir la consommation des chômeurs et n’incite pas à accepter des emplois risqués, par exemple dans des start-up, de peur de perdre son emploi. »