Assurance chômage : la petite ritournelle de la réforme

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Alors que la réforme 2019-2021 de l’assurance chômage n'a pas eu les effets escomptés en matière de retour à l’emploi durable, l’exécutif réfléchit à rouvrir le dossier avec une énième réforme – ce serait la quatrième depuis 2017.

Par Anne-Sophie BallePublié le 11/04/2025 à 12h45

La réforme de 2019 initiée par Edouard Philippe et Muriel Pénicaud a réduit de 12% la durée moyenne au chômage et diminué de 18% l'allocation moyenne des demandeurs d'emploi.
La réforme de 2019 initiée par Edouard Philippe et Muriel Pénicaud a réduit de 12% la durée moyenne au chômage et diminué de 18% l'allocation moyenne des demandeurs d'emploi.

Le disque est rayé, mais l’exécutif semble éprouver du plaisir à l’écouter en boucle. En réunissant, le 3 avril, plusieurs ministres à l’Élysée pour faire un point sur les réformes à venir, Emmanuel Macron et François Bayrou ont de nouveau mis la question de l’assurance chômage sur la table. L’objectif est toujours le même : remettre les demandeurs d’emploi au travail. Durcir les conditions d’indemnisation des chômeurs permettrait en outre à l’État de dégager des fonds supplémentaires permettant de financer l’augmentation annoncée du budget de la défense... Qu'importe que la dernière convention sur le sujet soit en pleine mise en œuvre (l’essentiel des dispositions a commencé à entrer en vigueur le 1er avril). Qu’importe, aussi, que la précédente grande réforme de l’assurance chômage – décidée unilatéralement par l’État en 20191 – n’ait pas eu les effets escomptés sur la reprise de l’emploi durable, ce qui était pourtant l’objectif poursuivi par l’exécutif.

La réforme de 2019 a aggravé la précarité

En cela, le rapport final du comité d’évaluation de la réforme de 2019, rendu public le 3 avril dernier, est formel. Si la réforme a bien eu « un impact significatif sur la probabilité de retrouver un emploi dans les deux mois suivant l’inscription au chômage », celle-ci « n’a pas provoqué d’allongement de la durée des emplois repris, et donc vraisemblablement renforcé la précarité des allocataires concernés ». L’Unédic, quant à elle, tire des conclusions à peu près similaires. « La hausse de l’accès à l’emploi est portée intégralement par la reprise de CDD et de contrats d’intérim de moins de six mois, tandis qu’aucun effet significatif ne se manifeste sur la reprise de CDD ou de mission d’intérim de plus de six mois ni sur la reprise de CDI », écrivait le gestionnaire du régime dans son analyse « Évaluation de la réforme d’assurance chômage 2019-2021 », publiée le 20 mars dernier.

Des questions d’ordre juridique…

Simple ballon d’essai ou trouble obsessionnel compulsif ? L’idée de l’exécutif de rouvrir une fois encore le dossier n’est en tout cas pas du goût des partenaires sociaux, qui plus est « dans une période où les salariés vont rencontrer les plus grandes difficultés à conserver leur emploi ou à en trouver un », résume Olivier Guivarch, secrétaire national chargé des questions d’emploi. D’un point de vue purement juridique, « c’est oublier, aussi, que la négociation des règles d’assurance chômage appartient aux partenaires sociaux », résume Patricia Ferrand, vice-présidente (CFDT) de l’Unédic.

Certes, depuis 2018, l’exécutif fixe par un « document de cadrage » adressé aux partenaires sociaux les grands objectifs (notamment financiers) à respecter… Ces dernières années, cette interférence politique a clairement compromis la possibilité de parvenir à un accord paritaire, tant les contraintes financières imposées étaient jugées intenables. Pourtant, à l’automne 2024, les partenaires sociaux avaient enfin réussi à reprendre la main en trouvant un accord à six (CFDT, CFTC et FO côté syndical ; Medef, CPME et U2P côté patronal) – accord d’ailleurs agréé par le gouvernement sur des règles censées n’être pas modifiées d’ici à 2028.

Des annonces lors de la conférence des finances publiques ?

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

Du côté des syndicats comme du côté du patronat, on attend de voir si le sujet sera, ou non, abordé lors de la conférence des finances publiques de ce 15 avril. Si l’éventualité d’un tel chantier se confirmait, « il y a fort à craindre que ce soit, pour l’exécutif, dans l’idée de faire des économies et de réduire un peu plus les droits des demandeurs d’emploi. Ce qui serait non seulement économiquement erroné, mais surtout humainement déplorable,  conclut Olivier Guivarch.