Assurance chômage, emploi des seniors et retraites : les négociations relancées ?

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iconeExtrait de l’hebdo n°3936

Confirmant le besoin de renouveau du dialogue social, le Premier ministre invite les partenaires sociaux à reprendre sans tarder leurs discussions. Sur quelles bases ? Avec quelle articulation ?

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 08/10/2024 à 12h00

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© Éric Tschaen/RÉA

Comme une main tendue aux partenaires sociaux. Au Parlement, durant son discours de politique générale, le Premier ministre a promis « écoute, respect et confiance » aux représentants du monde syndical et patronal, à qui il demande de renégocier, une nouvelle fois, au sujet de l’emploi des seniors et de l’assurance chômage dès les prochaines semaines. « La situation requiert un renouveau du dialogue social et une relation exigeante et constructive avec l’État », estime Michel Barnier. Une relation somme toute malmenée ces derniers mois, après que l’accord relatif à l’assurance chômage trouvé par les partenaires sociaux en novembre 2023 n’a pas été agréé par l’État, faute de « garanties suffisantes » concernant l’indemnisation et l’emploi des seniors, arguait alors l’exécutif.

Mais la reprise en main de l’État s’est heurtée au mur de la dissolution : le projet de réforme voulu par Gabriel Attal (qui durcissait fortement les conditions d’accès à l’assurance chômage) est finalement enterré par le gouvernement Barnier. Ce 1er octobre, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, Michel Barnier a enfoncé le clou. « Je fais confiance aux partenaires sociaux […]. Ils sont, de mon point de vue, les mieux placés pour trouver des solutions. » Prenant acte de la volonté d’utiliser « le dialogue comme méthode », Marylise Léon lance un appel à ses homologues syndicaux et patronaux. « À nous de faire preuve de responsabilité et de démontrer que l’on est capables de prendre des engagements », plaidait-elle au lendemain du discours de politique générale, sur les ondes de BFM Business.

Repartir de l’accord de novembre 2023

Remettre l’ouvrage sur le métier, soit. Mais sur quelles bases ? Quelques précisions ont été apportées dès le lendemain par la ministre du Travail. Il n’y aura vraisemblablement pas de document de cadrage, comme à l’accoutumée dans ce genre de négociation depuis 2018. La renégociation des règles d’indemnisation de l’assurance chômage se fera « sur la base de l’accord de novembre 2023 signé par trois organisations syndicales et le patronat », a confirmé la ministre Astrid Panosyan-Bouvet… C’est bien ce que demandait la CFDT.

Difficile, en revanche, de voir comment vont s’articuler la renégociation de l’assurance chômage, l’emploi des seniors et les ajustements de la réforme des retraites souhaités par Michel Barnier (lire l’encadré). Lors de sa rencontre à Matignon à la veille du discours de politique générale, la CFDT avait demandé une « négociation flash » afin d’aboutir notamment à un engagement sur l’emploi des seniors. La requête pourrait bien aboutir et voir les deux négociations (emploi des seniors et assurance chômage) être menées de front. Dans le même temps, l’exécutif devrait vraissemblablement signer un nouveau décret de jointure pour permettre de prolonger les règles actuelles d’indemnisation au-delà du 31 octobre – le temps que les partenaires sociaux reprennent le dossier en main.

Exit, également, la suppression de l’ASS (allocation spécifique de solidarité) pour les chômeurs en fin de droits. Évoquée par Gabriel Attal l’hiver dernier, la mesure, largement décriée, ne sera finalement pas reprise par le gouvernement Barnier. « J’ai obtenu que l’on sorte cette allocation de toutes les discussions budgétaires et qu’on ne la supprime pas en l’état. Il faut savoir que la moitié des allocataires de l’ASS vit en dessous du seuil de pauvreté. Une moitié aussi a plus de 50 ans », a plaidé la ministre du Travail dans les colonnes de Ouest-France.

La réforme du RSA

Cependant, il ne s’agit pas de détricoter l’ensemble des politiques de l’emploi instaurées par le gouvernement précédent. En ce qui concerne l’insertion professionnelle, le Premier ministre a vanté les mérites de la réforme du RSA – déjà expérimentée dans une vingtaine de départements, et qui devrait être généralisée au 1er janvier 2025. La réforme, qui consiste à conditionner le versement du revenu de solidarité active à la réalisation d’au moins quinze heures d’activité hebdomadaire, moyennant un accompagnement renforcé, « fonctionne là où elle est engagée », estime le Premier ministre. La CFDT, de son côté, est plus circonspecte. De fait, les moyens financiers accordés jusqu’alors par l’État aux collectivités qui expérimentent la réforme (170 millions d’euros) ont permis de recruter 150 travailleurs sociaux supplémentaires.

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

« Comment feront-ils lorsqu’il s’agira de généraliser la réforme en 2025 ? Où vont-ils trouver les financements qui permettent cet accompagnement renforcé alors que, dans le même temps, le gouvernement veut réduire la dette budgétaire ? », pointe ainsi le service confédéral Emploi. La présentation imminente du budget donnera sans doute quelques précisions. Mais les lettres de missions envoyées au ministère du Travail – qui prévoyait il y a quelques jours encore un coup de rabot de 3 milliards d’euros – ne prêtent guère à l’optimisme.

De possibles aménagements de la loi retraites

Les mots du Premier ministre étaient attendus sur la réforme des retraites, laquelle a tant dégradé les relations entre l’exécutif, les corps intermédiaires et les Français. Tout en indiquant sa décision de décaler de six mois la revalorisation des pensions, il tend la main aux partenaires sociaux en évoquant « des aménagements raisonnables et justes de la loi » auxquels ils devront réfléchir. « Certaines limites de la loi votée le 15 avril 2023 peuvent être corrigées. Les questions des retraites progressives, de l’usure professionnelle, de l’égalité entre les femmes et les hommes face à la retraite méritent mieux que des fins de non-recevoir. »

Les organisations syndicales n’ont pas tardé à réagir. Dans un communiqué commun, elles saluent « une première reconnaissance que cette réforme est injuste » mais enjoignent toujours au Premier ministre de suspendre la réforme pour pouvoir traiter des questions connexes relatives à l’égalité femmes-hommes, la pénibilité et les carrières longues. « L’avenir des retraites mérite un débat de haut niveau : il faut pouvoir aborder l’ensemble des questions et discuter de l’ensemble des paramètres. » Concernant le choix d’une nouvelle méthode démocratique qui puisse redonner la main aux acteurs sociaux, elles se disent « prêtes à participer à tous les rendez-vous de concertation et de négociation sur toutes les questions de retraites ». En revanche, aucun calendrier de discussions n’a pour l’heure été avancé par l’exécutif.

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