À Sète, la CFDT et la presse locale tiennent tête à Keolis

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iconeExtrait de l’hebdo n°3921

La CFDT de Keolis à Sète (Hérault) communique régulièrement avec la presse locale sur les revendications adressées à son employeur. Une communication efficace qui oblige le délégataire à réagir.

Par Claire Nillus— Publié le 28/05/2024 à 12h00

Les militants de Keolis à Sète ont obtenu une prime de caisse pour les conducteurs de bus (le délégué syndical CFDT Alain Manzi se trouve à droite sur cette photo).
Les militants de Keolis à Sète ont obtenu une prime de caisse pour les conducteurs de bus (le délégué syndical CFDT Alain Manzi se trouve à droite sur cette photo).© DR

1. Keolis emploie 95 salariés dont 70 conducteurs sur la Communauté d’agglomération du bassin de Thau (14 communes et 125 000 habitants).

Tous les deux ans, le festival Escale à Sète offre la possibilité de visiter de somptueux voiliers, bateaux traditionnels et autres joutes rassemblés dans le port de la ville. Pendant sept jours, environ 400 000 personnes participent aux nombreuses animations, sachant que la plupart des heureux visiteurs sont transportés par des navettes gratuites mises à disposition par la ville. Mais, en mars dernier, quelques jours avant le lancement de l’édition 2024 (du 26 mars au 1er avril), une ombre s’invite au tableau : les chauffeurs du réseau de bus sétois votent un appel à la grève lancé en intersyndicale. « Nous voulions faire pression, en aucun cas gêner les festivités », précise Alain Manzi, délégué syndical CFDT depuis 2016. De fait, il y a déjà plusieurs mois que les organisations syndicales réclament la renégociation des accords dénoncés par Keolis1, vainqueur de l’appel d’offres en 2021 pour une durée de sept ans. Son arrivée n’a pas fait des heureux : baisse du nombre de chauffeurs, recours à la sous-traitance et dénonciation des accords.

Excédées et ne voyant rien venir, les organisations syndicales ont vu leur appel à la grève voté, et la presse a été alertée. « On a du mal à se faire entendre par la direction mais, après chaque article que l’on nous consacre, il se passe quelque chose », constate Alain Manzi. Le préavis, lui, courait du mardi 26 mars (premier jour du festival) au 16 août 2024, date butoir de fin de dénonciation des accords. « On ne demandait rien de plus, juste de conserver nos acquis, notamment notre rémunération, indique encore Alain Manzi. La direction a reculé autant qu’elle a pu, et tous les salariés (personnels roulants, mécaniciens) se sont mobilisés en faveur de la grève. À deux jours du début du festival, on a obtenu gain de cause et nos accords ont été sauvés. »

Des acquis sauvegardés

À cette heure, le préavis n’a pas encore été levé car de nombreux points doivent être précisés. Mais les acquis du passé – « dont beaucoup l’ont été sur propositions de la CFDT » – ne seront finalement pas remis en cause. Les conducteurs auront toujours droit à un quatorzième mois en fonction de leur ancienneté dans l’entreprise, pourront toucher les 400 euros de « prime qualité » annuelle et bénéficieront des 200 euros de prime transport (elle correspond à l’indemnité de transport domicile-travail). « Un pactole de 700 euros, tout de même, pour certains salariés », se satisfait Alain Manzi. La CFDT avait également négocié la « médaille du chemin de fer ». « Ce n’est pas une médaille en chocolat, ironise le délégué syndical, car c’est 950 euros versés au bout de vingt ans de service, 1 500 euros pour vingt-cinq ans et 1 800 euros pour trente-cinq ans. » Elle aussi reste due.

Une prime de caisse obtenue en justice

Cette bataille concernant les accords d’entreprise succède à une autre, gagnée à la fin de l’année dernière, en justice, cette fois. La CFDT avait saisi le conseil de prud’hommes afin d’obliger l’employeur à payer une « prime de caisse » aux conducteurs receveurs, à qui l’on confie chaque jour un fonds de caisse dont le montant est compris entre 80 et 150 euros. Ils doivent surveiller cet argent, augmenté des recettes du jour, y compris pendant leurs pauses et souvent jusqu’au lendemain matin, quand ils le rapportent chez eux lorsqu’ils finissent tard en soirée. Selon la section CFDT, il s’agit là d’une « sujétion de caisse » qui peut mettre en danger les salariés, comme le stipule une jurisprudence de 2019 qui a donné raison à la CFDT du réseau nîmois pour une affaire semblable : ni dans le bus ni au dépôt (ni chez eux), ils ne disposaient de coffres sécurisés permettant de garder ces sommes d’argent. « Sachant qu’il y a parfois des vols dans les casiers et que les conducteurs sont tenus de rembourser… »

La question ayant été soumise plusieurs fois au CSE mais n’ayant pas été réglée, la section a saisi le conseil de prud’hommes. En septembre 2023, ce dernier a condamné Keolis à payer 50 euros mensuels, avec effet rétroactif, eu égard aux risques encourus par les agents. L’entreprise a fait appel du jugement. En attendant, elle s’est décidée à installer des casiers sécurisés avec caméra de surveillance dans le dépôt.

Alerte sur des sanitaires non conformes

« Ce délégataire, c’est vraiment une catastrophe pour nous », poursuivent les militants. Récemment, une conductrice agressée par un contrôleur a été mise à pied par la direction… C’est le monde à l’envers ! » Et ce, parce que cette salariée avait témoigné à propos de l’état déplorable des sanitaires à l’occasion d’un nouvel article du Midi Libre. Comme sur d’autres réseaux urbains et interurbains, pouvoir disposer de toilettes propres et fonctionnelles relève d’un combat quotidien que mènent les chauffeurs sétois. Or ce n’est pas « en évitant de boire » ou « en payant des consommations dans les cafés pour pouvoir utiliser leurs toilettes » que l’on élimine le problème. « Sur 22 lignes, la moitié seulement est équipée… mais elles ne sont pas toujours bien équipées. Là encore, on ne demande pas l’impossible ; simplement des toilettes éclairées, chauffées, nettoyées… Rien de plus, en somme, que ce qui est mentionné dans le code travail », rappelle Alain Manzi.

À propos de l'auteur

Claire Nillus
Journaliste

L’article a fait mouche et les réseaux sociaux s’en sont emparés. Le maire de Sète (qui se trouve être également président de l’agglomération et ex-médecin gynécologue) s’en est alors ému et a tout de suite mis à disposition un local inutilisé en terminus d’une ligne. Un bon début, estime la section CFDT, qui entend tout de même maintenir la pression. « Préavis de grève, saisine du tribunal, communiqués de presse… Tout finit par payer, conclut le délégué syndical. Mais ce que nous aimerions, surtout, c’est que le dialogue social fonctionne ! »