À Mayotte, la vie après le cyclone

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iconeExtrait de l’hebdo n°3950

Alors que le projet de loi d’urgence pour Mayotte a été adopté par l’Assemblée nationale mais doit encore passer devant les sénateurs, le territoire ultramarin continue de panser ses plaies. Le 27 janvier, une partie des élèves a repris le chemin de l’école. Et les personnels du centre hospitaliers ont suspendu leur mouvement de grève.

Par Guillaume Lefèvre— Publié le 28/01/2025 à 13h00

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© SAF hélicoptères-Grandguillot/RÉA

Le 22 janvier, l’Assemblée nationale a voté le projet de loi d’urgence pour Mayotte. Ce texte, adopté à 446 voix (deux contre), doit encore être approuvé les sénateurs, son examen final étant prévu le 3 février. Il sera complété par un second texte, « Mayotte debout », courant mars. Parmi les mesures adoptées par les députés, la prorogation du maintien des droits et prestations sociales des résidents mahorais pendant trois mois supplémentaires (soit jusqu’au 30 juin 2025). L’article 10 autorisant « l’expropriation pour cause d’utilité publique », qui cristallisait les inquiétudes, a quant à lui été rejeté par les élus. C’est évidemment une bonne nouvelle selon Bounati Ahamadi, secrétaire générale adjointe de la CFDT Mayotte, qui note toutefois dans ces annonces des mesures déconnectées des réalités vécues par de nombreux Mahorais : « Nous prenons un problème après l’autre, la priorité reste aujourd’hui de trouver de quoi se nourrir et se loger. »

Reconstruire Mayotte “autrement”

C’est d’ailleurs ce que la CFDT et la CFDT Mayotte ont rappelé au ministre des Outre-mer, Manuel Valls, le 24 janvier dernier, à l’occasion d’une rencontre bilatérale. « Il faut reconstruire Mayotte autrement » assènent-elles, et dans cette perspective mettre en place un réel accompagnement économique et social des habitants, réduire les inégalités qui plombent le territoire et procéder à l’indispensable convergence des droits sociaux avec ceux de la métropole. « En résumé, mettre fin à cette injustice qui fait des Mahorais des citoyens de seconde zone », insiste Pascal Catto, délégué outre-mer à la Confédération. Le renforcement des services publics sera également une condition indispensable à la reconstruction de Mayotte ; qu’il s’agisse de la santé, de l’éducation ou des transports, les besoins sont immenses.

Une rentrée scolaire en plusieurs temps

Officiellement, les cours ont repris le 27 janvier. Mais, dans les faits, seules 176 écoles sur les 221 que compte le territoire ont pu rouvrir. Les collégiens de quatre établissements ont quant à eux été contraints de rester chez eux. « Depuis Paris, la rentrée semble “gérable”. Pourtant, dans les établissements, on est très loin d’un retour à la normale, note Christophe Bonnet, secrétaire fédéral de la CFDT Éducation Formation Recherche publiques (EFRP). Le retour en classe se fait de manière dégradée ; des travaux sont en cours ou à prévoir dans de nombreux établissements, les installations informatiques ont été détruites, les équipements sportifs détériorés… »

Pas question que la précipitation l’emporte, confirme Mohamed Attoumani, trésorier du syndicat CFDT EFRP de l’académie de Mayotte : « La rentrée se fait au cas par cas, en fonction de la situation de chaque établissement. Soyons clairs, partout où les conditions de sécurité ne sont pas réunies, nous n’hésiterons pas à recourir à notre droit de retrait. » Cet enseignant du lycée professionnel de Dzoumogné souligne les difficultés rencontrées par ses élèves. « Beaucoup ont tout perdu. Ils n’ont plus de fournitures scolaires, de vêtements… S’ils sont venus aujourd’hui, c’est parce qu’ils savaient qu’ils allaient trouver une collation. Leur priorité, c’est de se nourrir ! »

Par ailleurs, si le versement d’une prime exceptionnelle de 2 000 euros a été accueilli avec soulagement par les 5 000 personnels des établissements scolaires qui en ont bénéficié, cela a créé un sentiment d’amertume et d’« injustice pour les exclus », alerte Mohamed Attoumani : « Chido n’a pas frappé les agents selon le niveau de leurs points d’indice, il a frappé tout le monde. L’injustice aurait pu être évitée si les organisations syndicales avaient été associées à cette décision. »

Possible reprise de la grève au CHM

À propos de l'auteur

Guillaume Lefèvre
Journaliste

Autre service public malmené et en première ligne, le Centre hospitalier de Mayotte, où un protocole de sortie de grève a été signé le 20 janvier. En grève depuis deux semaines, la CFDT et l’intersyndicale dénonçaient le mal-être et la dégradation des conditions de travail. Une situation bien antérieure au passage de Chido, mais que le cyclone n’a fait qu’aggraver. Parmi les sept points du protocole figurent l’engagement de la direction à faire remonter au ministère une demande de prime exceptionnelle cyclone pour l’ensemble des personnels ou encore la mise en place de mesures de soutien aux agents. En cas de non-respect de ces engagements, l’intersyndicale prévient d’ores et déjà qu’elle reprendra son mouvement.