A la Fromagerie de l’Ermitage, un pacte qui favorise l’emploi… et l’adhésion abonné

Près d’un salarié de la coopérative sur deux est adhérent à la CFDT. Ce taux de syndicalisation est le fruit des nombreux résultats obtenus au fil des négociations. Et de la ténacité d’une équipe en plein renouvellement.

Par Dominique PrimaultPublié le 11/07/2018 à 15h26

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Au cœur des pâturages de la plaine des Vosges se produit un étonnant fourmillement syndical. La Fromagerie de l’Ermitage, implantée à Bulgnéville, commune de 1 500 habitants, abrite un véritable bataillon d’adhérents CFDT. Plus de 40 % du personnel de la coopérative laitière fondée en 1931 s’acquitte d’une cotisation syndicale tous les mois. Soit 252 adhérents sur près de 600 salariés. Un taux qui grimpe à 48 % parmi les ouvriers. « Nous avons la chance de faire partie d’une entreprise qui se développe depuis une vingtaine d’années, explique le délégué syndical Christian Thévet. Lors de la négociation sur les 35 heures, au début des années 2000, nous avons conclu un deal avec la direction. OK pour signer l’accord qui tient compte de la saisonnalité de notre activité [la fromagerie produit du brie, de l’emmental ou encore des fromages à tartiflette consommée de début septembre à février ou mars] mais à condition de tout mettre en œuvre pour créer de l’emploi durable dès que le taux de précarité dépasse 10 % de l’ensemble des effectifs. »

Le défi du renouvellement de l’équipe CFDT


Un dialogue constructif
L’équipe CFDT privilégie le dialogue pour avoir des accords profitant à l’ensemble du personnel. Elle a obtenu des vagues de titularisations régulières, une prime de prélèvement pour les chauffeurs ramasseurs, le paiement des heures de nuit à hauteur de 45 % du taux horaire du poste, l’amélioration des conditions de travail… Beaucoup reste à faire, entre autres en matière de troubles musculo-squelettiques.

L’ouverture sur l’extérieur
La CFDT de l’Ermitage est partie prenante de la nouvelle Upra (Union professionnelle régionale de l’agroalimentaire) du Grand Est, dont le champ d’intervention s’étend de Strasbourg à Nogent-sur-Seine. Localement, la CFDT de l’Ermitage n’hésite pas non plus à prêter main-forte à l’interprofessionnel pour aller à la rencontre des saisonniers ou des personnels des très petites entreprises grâce notamment aux connaissances déployées par Norbert et Christian dans le cadre de leurs fonctions de conseiller du salarié et de conseiller prud’hommes.

Le souci du développement de l’entreprise
La CFDT de l’Ermitage a toujours poussé la direction dans sa volonté de moderniser son site de production. Dernier investissement en date, une tour de séchage de lactosérum construite en 2017 pour 22 millions d’euros. « Auparavant, d’autres groupes traitaient et valorisaient le sérum qui sortait de notre usine, explique Christian. Un investissement comme celui-ci est gage de pérennité du site et des emplois. »

Un pacte tacite concluant. Le taux d’intérimaires et de CDD, qui culminait au-delà des 20 % dans les années 1990, a fondu comme la neige sur les cimes des massifs vosgiens en plein été. Aujourd’hui, il plafonne à 12 % grâce à des embauches régulières : 22 nouveaux contrats à durée indéterminée ont intégré l’entreprise en 2016, 28 en 2015, 32 en 2013… « Ces contrats ne tombent pas du ciel, il faut toujours rappeler aux patrons leur engagement, relève Christian. Quand il y a une vague d’intégrations, comme ce fut le cas ces dernières années, c’est qu’on les inscrit dans les négociations annuelles obligatoires menées avec la direction. » Longtemps, les salariés ont eu conscience du poids de la CFDT dans ces décisions. Résultat, près de la moitié de chaque « promotion » de nouveaux recrutés venait gonfler les rangs d’un collectif organisé en syndicat d’entreprise et non en section – « une particularité héritée des années 1970 », explique le délégué syndical recruté en 1980 au service maintenance de la coopérative. « Aujourd’hui, c’est un peu moins vrai. On ne fait plus que 20 % d’adhésions parmi les nouveaux salariés », constate-t-il. « Il faudrait peut-être qu’il n’y ait plus de recrutements pendant trois ou quatre ans pour que tout le monde se rende compte que ça n’a rien d’automatique, que si ça se passe comme ça, c’est bien parce que nous, les élus représentants du personnel, nous poussons derrière », regrette Nadine Henry, la secrétaire du CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail).

Pas question pour autant de relâcher la pression au prétexte de provoquer un électrochoc parmi le personnel. Au contraire. Depuis près d’un an, l’équipe CFDT prépare une nouvelle phase de son histoire. Les élections professionnelles se profilent dans un contexte de renouvellement générationnel. À la fin mars 2018, Christian Thévet, 59 ans, bouclera son ultime mandat, trente et un ans après le premier. « Je me serais bien passé des ordonnances pour passer la main en toute sérénité, confie-t-il. Nous avons hésité à demander le report des élections pour bien intégrer les nouvelles règles. » Mais la machine était déjà lancée, avec le nouveau conseil social et économique (CSE) en perspective.

L’opération renouvellement est sur les rails dans une équipe qui a de la pratique : des permanences sont organisées cinq jours sur cinq et deux réunions d’adhérents par an, un conseil syndical se réunit une fois par mois… Ces derniers temps, des militants sont montés en puissance, prenant de plus en plus de responsabilités et multipliant les formations. Parmi eux, Valérie Gries, 43 ans, opératrice emballage, et Delphine Allié, 36 ans, du service expédition, élues en 2014. Mais…

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