Retraites : le cadre des discussions se précise

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iconeExtrait de l’hebdo n°3949

Le Premier ministre a réuni les partenaires sociaux le 17 janvier pour lancer son fameux “conclave” au sujet des retraites. Les discussions proprement dites ne devraient débuter qu’après la remise du rapport de la Cour des comptes (annoncée le 19 février) concernant les besoins de financement du système. L’objectif est de parvenir à un accord en mai.

Par Jérôme Citron— Publié le 21/01/2025 à 13h00

Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, a participé, le 17 janvier, au lancement de la concertation des partenaires sociaux sur les retraites voulue par le Premier ministre, François Bayrou.
Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, a participé, le 17 janvier, au lancement de la concertation des partenaires sociaux sur les retraites voulue par le Premier ministre, François Bayrou.© Syndheb

Le Premier ministre n’aura pas traîné. Après avoir annoncé, lors de sa déclaration de politique générale, le mardi 14 janvier, la réouverture des discussions à propos des retraites, il a tenu une première réunion avec les partenaires sociaux trois jours plus tard. Ainsi, vendredi dernier, CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC et Unsa pour la partie organisations syndicales ; Medef, CPME, U2P et FNSEA pour la partie organisations patronales ont eu un premier échange en présence de François Bayrou et de quatre ministres – Éric Lombard (Économie), Catherine Vautrin (Travail, Santé, Solidarité et Famille), Astrid Panosyan-Bouvet (ministre chargée du Travail et de l’Emploi) et Laurent Marcangeli (Action publique, Fonction publique et Simplification). C’était donc une rencontre au sommet officialisant cette nouvelle séquence retraites.

À ce jour, quelques éléments de méthode ont filtré. Le « Rendez-vous retraites 2025 » devrait durer entre trois et quatre mois. La Cour des comptes va tout d’abord rendre un rapport (annoncé pour le 19 février) sur les besoins en financement du système. Les partenaires sociaux auront alors trois mois afin d’essayer de trouver un accord. L’idée est de parvenir à boucler cette séquence à la fin mai. Enfin, pour animer et coordonner les discussions, l’exécutif a choisi Jean-Jacques Marette, ancien directeur général de l’Agirc-Arrco (retraite complémentaire des salariés du privé) et membre du Conseil d’orientation des retraites.

Pas de sujet tabou…

Depuis son discours de politique générale, le Premier ministre a également précisé sa pensée. Il a assuré qu’il n’y avait pas de sujet tabou et que la réforme retournerait bien au Parlement, même si les partenaires sociaux ne parvenaient qu’à un accord partiel. « Je crois que d’autres perspectives peuvent s’ouvrir […] On peut essayer de débloquer un certain nombre des obstacles qui ont créé de l’incompréhension ou des mésententes », a-t-il affirmé aux partenaires sociaux vendredi dernier. Il a ainsi confirmé que tous les sujets étaient sur la table, citant explicitement les questions d’âge de départ, d’usure professionnelle ou de gouvernance du système.

Selon la CFDT, la séquence qui s’ouvre constitue donc une opportunité de faire avancer le droit des salariés, de rendre le système plus juste socialement, de rouvrir des discussions trop refermées lors de la précédente réforme. « L’idée n’est pas d’abroger la réforme mais de revenir sur les 64 ans en prenant en compte des sujets aussi essentiels que la pénibilité, le taux d’emploi des seniors, les polypensionnés [les travailleurs ayant cotisé à la fois dans les systèmes public et privé ou comme indépendants] ou encore les inégalités entre les femmes et les hommes », précise le secrétaire général adjoint de la CFDT, Yvan Ricordeau.

La partie est cependant loin d’être gagnée. Tout d’abord, il va falloir convaincre le patronat de la nécessité de faire évoluer ses positions afin d’éviter un blocage des discussions ; or ce dernier reste aujourd’hui sur la défensive, en refusant tout geste sur les cotisations. Mais il va également falloir trouver un terrain d’entente avec les autres organisations syndicales – dont certaines revendiquent encore officiellement la retraite à 60 ans ou le retour aux 37 ans et demi de cotisations, quoi qu’il en coûte. Enfin, il va falloir se mettre d’accord avec le gouvernement sur le périmètre des discussions et le diagnostic financier, ce qui reste potentiellement inflammable.

On le sait, le diable se cache dans les détails. Par un mode de calcul bien à lui (très critiqué, d’ailleurs), en mélangeant fonction publique et secteur privé, le Premier ministre rend responsable le système actuel de retraites de 50 % de la dette de la France, ce qui fait évidemment exploser les besoins de financement et rend difficile, voire impossible, tout réforme.

Bien distinguer le privé du public

« Le périmètre des discussions doit encore être affiné. On ne peut pas mettre sur le même plan les pensions des fonctionnaires, qui relèvent du budget de l’État, et les pensions du secteur privé, qui sont payées par les salariés du privé en activité via un système de cotisations », explique Yvan Ricordeau. En ce sens, le rapport de la Cour des comptes va jouer un rôle central au début des discussions. La CFDT va d’ailleurs, dans les prochains jours, rencontrer son président, Pierre Moscovici, pour faire entendre son point de vue. Elle insistera à cette occasion sur l’importance des travaux menés par le Conseil d’orientation des retraites.

À propos de l'auteur

Jérôme Citron
rédacteur en chef adjoint de CFDT Magazine

Par ailleurs, la CFDT insiste sur la nécessité de faire le lien entre les discussions à venir sur les retraites et celles qui ont été annoncées sur le travail, les deux thèmes étant intrinsèquement liés. Marylise Léon le rappelle régulièrement : améliorer le taux d’emploi des seniors est une obligation si l’on veut régler la question du financement des retraites. « Nous serons très attentifs au diagnostic financier, mais il ne peut être une fin en soi, conclut la secrétaire générale. C’est pourquoi nous demandons en parallèle un diagnostic social de la réforme car l’enjeu des discussions qui vont s’ouvrir est de répondre aux attentes des travailleurs, répondre de manière démocratique aux mobilisations de 2024. La porte est aujourd’hui entrouverte, à nous de nous y engouffrer. Le patronat ne peut se défiler ! »