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Extrait de l’hebdo n°3936
Pourquoi les entreprises adoptent-elles la semaine de quatre jours ? Une publication du Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET) analyse 150 accords d’entreprise signés en 2023, permettant de mieux comprendre ce qu’attendent les employeurs de cette nouvelle forme d’organisation du travail.
1. Négociations annuelles obligatoires.
Elle fait des émules, la semaine de quatre jours. Preuve en est, le nombre d’accords la mentionnant a été multiplié par cinq en trois ans. Dans certains cas, ils actent le déploiement de cette organisation du travail (de façon totale ou partielle) dans leur entreprise ; dans d’autres, il s’agit de NAO1 au cours desquelles la semaine de quatre jours a fait l’objet de discussions, mais sans être suivie d’effets.
Pauline Grimaud, chercheuse au CEET, s’est intéressée à la première catégorie. À travers une étude quantitative et qualitative de 150 accords négociés en 2023 pour le passage à quatre jours de travail (sans réduction du temps de travail), elle fait émerger différents types de semaines « compressées » et ce qui les motive.
Faire plus avec moins
En tête des motifs affichés dans le préambule des accords qui la mette en place, la semaine de quatre jours est désignée comme facteur de « bien-être au travail », de « qualité de vie au travail », de « conciliation des temps de vie professionnelle et personnelle ». Cela dit, corrige l’auteur, 40 % des accords ont surtout le souci explicite de « préserver la compétitivité de l’entreprise ».
De fait, en resserrant l’activité sur quatre jours, l’entreprise peut faire des économies (frais de fonctionnement, énergie…), réduire ses coûts de production en cas de fluctuation de son carnet de commandes, rendre attrayants certains postes. Quand cette répartition du temps de travail hebdomadaire est plébiscitée par les salariés eux-mêmes, l’employeur y voit un moyen d’améliorer la productivité et la compétitivité de l’entreprise en favorisant leur motivation et leur implication.
Pourtant, qui dit semaine de quatre jours dit, logiquement, journées à rallonge… Or aucun des accords étudiés ne se prononce sur la charge de travail que ce changement de durée du travail représente. Et dans certains accords (très minoritaires) qui diminuent la durée hebdomadaire du travail, il n’y a pas non plus de baisse de charge envisagée. Autrement dit, « il est demandé aux salariés de faire autant en moins de temps », conclut la chercheuse.
Limiter le télétravail
D’autres motifs apparaissent, comme le télétravail, dont la généralisation aurait favorisé la mise en place de la semaine de quatre jours. Pour les salariés dont le poste n’est pas éligible au télétravail, travailler en quatre jours (souvent du lundi au jeudi) constituerait une forme de compensation, sachant que le vendredi est généralement télétravaillé par les autres salariés qui, eux, y sont éligibles. Dans certains accords, passer en quatre jours constitue même une façon de réduire (voire de supprimer) le nombre de jours télétravaillables.
L’étude pointe aussi le recours à ce dispositif comme « instrument de flexibilisation du temps de travail » en fonction des besoins de l’entreprise. Dans ce cas, la semaine de quatre jours « modulée » (dans 20 % des accords étudiés) s’avère utile afin de pallier les hausses et baisses d’activité selon les semaines. Cette configuration implique d’ailleurs des roulements entre jours travaillés, jours de repos et travail certains week-ends.
Pour toutes ces raisons, la CFDT met en garde ses négociateurs. « Attractive sur le papier, la semaine de quatre jours doit engager les équipes syndicales dans une vraie réflexion sur la santé et la sécurité des travailleurs », alerte notamment la CFDT Cadres dans un guide d’aide à la négociation. Faut-il travailler plus en quatre jours ou moins intensément en cinq jours ? Quel est l’impact sur les collectifs de travail (notamment en cas de cumul avec du télétravail) ? Faut-il envisager le travail sur quatre jours de façon ponctuelle (à la demande du salarié, par exemple) ou tout au long de l’année ? Enfin, il faut toujours veiller, comme pour le télétravail, à ce que le principe du double volontariat soit respecté. Cette mesure ne doit en aucun cas être imposée par l’employeur.