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L’emploi en jeux
Les Jeux olympiques et paralympiques de l’été 2024 seraient-ils une aubaine pour la construction ? Alors que le secteur est en proie à de profondes mutations et traverse une crise sans précédent, certaines entreprises, à l’instar du groupe Eiffage, se saisissent de l’évènement pour se transformer et faire évoluer leurs métiers.
Le secteur de la construction est un des trois secteurs les plus impactés par les Jeux de Paris 2024. Selon la cartographie des métiers réalisée en mars 2019 par le Centre de droit et d’économie du sport, réactualisée en 2023, 30 000 emplois ont été mobilisés pour la construction des sites olympiques et paralympiques. Ce chiffre concerne à la fois les infrastructures pérennes portées par la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) et les aménagements temporaires portés par le Cojop.
Une aubaine pour le BTP, dont l’activité a été très ralentie par la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières. L’occasion aussi pour certaines entreprises de faire évoluer leurs métiers.
Dans le secteur de la construction, c’est Solideo qui est chargée de garantir l’exemplarité des Jeux sur les plans social et environnemental. En 2018, elle adopte une charte en faveur de l’emploi et du développement territorial qui reprend pour le BTP les engagements de la Charte sociale Paris 2024 et qu’elle applique à l’ensemble des maîtres d’ouvrage publics et privés contractant avec elle via des clauses d’insertion. À ce titre, 10 % des heures travaillées doivent être réservées à un public éloigné de l’emploi et 25 % du montant des marchés doivent être accessibles aux TPE, PME et aux structures de l’économie sociale et solidaire (ESS).
Des chiffres largement atteints si l’on en croit le rapport effectué par Solideo à la fin 2023 : les montants engagés par des TPE, PME et des structures de l’ESS représentent 36 % des montants engagés totaux, et les heures d’insertion travaillées sur les chantiers dépassent de 5 % l’objectif initial.
204000 heures d’insertion
Chez Eiffage Construction, on a joué le jeu de l’insertion professionnelle et du développement territorial à fond. Sur les 169 560 heures d’insertion demandées au départ, 204 000 heures ont été réalisées à la fin 2023 et 40 % du montant des marchés ont été consacrés à des PME et des structures de l’ESS. Sur le Village des athlètes, à Saint-Ouen, Eiffage a conclu avec ses partenaires locaux des contrats de professionnalisation et d’insertion professionnelle intérimaires, et une douzaine de demandeurs d’emploi «primo-arrivants» ont été formés puis recrutés, pour la plupart dans des emplois pérennes.
« Près de 150 personnes ont été concernées rien que sur les heures d’insertion », explique Olivier Bienaimé, directeur Grands projets chez Eiffage Construction. Le but « n’était pas de faire du chiffre mais d’anticiper les besoins en recrutement de demain », poursuit-il. Les heures d’insertion ont donc été pensées et intégrées dès l’étude du projet.
« Nous nous sommes saisis de cette opportunité pour présenter nos métiers à des jeunes en CFA ou des personnes en marge du système et les former », confirme Samir Baïri, coordinateur CFDT chez Eiffage de la branche Construction et secrétaire du comité d’entreprise européen. « Le chantier des Jeux olympiques a été un véritable laboratoire qui nous a permis de nous réinventer. Nous avons développé des parcours pour former nos compagnons à la pose de nouveaux matériaux comme le mix bois-béton ou encore le béton bas carbone, poursuit le militant. Nous sommes en train de réinventer tous nos métiers pour anticiper demain et atteindre les objectifs environnementaux fixés par le gouvernement en matière de construction. »
Le pari social des JO serait donc remporté dans le secteur de la construction ? La Fédération CFDT Construction et Bois (FNCB) alerte et précise que toutes les entreprises ne sont pas concernées de la même façon par les retombées de l’évènement. « Le monde du BTP est aussi un secteur de sous-traitance et d’emplois intérimaires. Les grandes entreprises, une fois qu’un chantier est terminé, envoient leurs travailleurs sur d’autres chantiers. Les petites doivent, elles, trouver de nouveaux contrats », explique Rui Portal, secrétaire général de la FNCB-CFDT. « Je ne suis pas sûr qu’au bout du bout les Jeux soient réellement créateurs d’emplois pérennes. Il faudra faire le bilan. »
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