Extrait du magazine n°511
Après huit mois de tractations, la Belgique est parvenue à former un gouvernement que l’on pourrait qualifier de droite « classique ». Cette coalition de partis s’est accordée sur une politique sociale très dure accompagnée d’une cure d’austérité. Secrétaire générale de la Confédération des syndicats chrétiens (CSC), Marie-Hélène Ska analyse cette situation.

Comment qualifieriez-vous le nouveau gouvernement ?
Nous avons un gouvernement de droite assez conservateur. Il vise d’abord et avant tout une politique d’austérité. Son objectif est d’économiser 23 milliards d’euros en cinq ans, ce qui fait une somme considérable à l’échelle de la Belgique. Pour la France, il faudrait la multiplier par six car vous êtes six fois plus nombreux. Et cette cure d’austérité ne concerne que l’État fédéral. Je ne parle pas des régions. Et ce qui est particulièrement choquant, c’est que deux tiers de ces efforts sont supportés par le monde du travail.
Concrètement, quels sont ces efforts ?
Concernant la retraite, par exemple, le gouvernement souhaite faire passer l’âge légal de départ à 67 ans en 2030 (aujourd’hui, il est de 66 ans avec quarante-cinq années de carrière). Il supprime également la possibilité qu’ont certaines professions, tels les pompiers, les policiers et les cheminots, de partir plus tôt. Il s’attaque aussi à tous les dispositifs de retraite progressive à partir de 60 ans en instaurant des malus. Enfin, il modifie le calcul du montant de la pension avec comme conséquence une baisse des pensions des personnes les plus fragiles économiquement, dont une forte proportion de femmes qui ont travaillé à temps partiel.
“Ce gouvernement souhaite supprimer le statut des agents publics.”
À cela s’ajoute une forme de mépris pour tous les travailleurs publics, considérés comme des personnes qui coûtent et pas comme des personnes qui tiennent la société et renforcent la cohésion sociale. Sans entrer dans le détail, ce gouvernement souhaite supprimer le statut des agents publics.
Les partis de droite avaient pourtant fait campagne sur la « valeur travail » et le pouvoir d’achat ?
Oui, ils avaient promis un différentiel de 500 euros net par mois entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. Dans les faits, le résultat des tractations n’est pas une hausse des salaires mais une baisse des prestations sociales pour les personnes qui ne travaillent pas, comme les demandeurs d’emploi ou les malades. D’une part, on appauvrit une partie importante de la population ; d’autre part, le gouvernement a décidé de reporter à 2029 les discussions sur les salaires [en Belgique, la loi encadre les négociations salariales]. En tant que syndicalistes, nous sommes ainsi privés de négocier des augmentations collectives.
Le gouvernement n’a pas annoncé vouloir toucher au mécanisme d’indexation automatique des salaires. Mais les prestations sociales, elles, ne seront plus indexées alors qu’elles l’étaient jusqu’à présent.
Comment les organisations syndicales comptent-elles se mobiliser ?
Nous sommes mobilisées en intersyndicale. L’idée est de dire la colère et le malaise qui existent dans le monde du travail aujourd’hui. On ne peut pas faire une campagne sur la valeur travail et, in fine, produire un accord de gouvernement qui fait peser les deux tiers de l’effort sur les travailleurs. Ça n’est pas cohérent. C’est un message fort que nous voulons faire passer. Le deuxième message est que nous avons besoin d’espace de négociation afin de pouvoir augmenter les salaires plus rapidement, travailler à la prise en compte de la pénibilité et ne pas stigmatiser une partie du monde du travail, notamment la fonction publique.