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Extrait de l’hebdo n°3911
Alors que l’ensemble des organisations syndicales de la fonction publique appelle à la mobilisation le 19 mars, le gouvernement fait toujours la sourde oreille. Les discussions sont au point mort, notamment sur les salaires. L’annonce, la semaine dernière, de 800 millions d’euros d’économies supplémentaires sur la masse salariale des seuls agents de l’État apparaît comme un nouveau coup de massue. Secrétaire générale de la CFDT-Fonctions publiques, Mylène Jacquot dénonce une politique menée sans concertation qui met à mal une fonction publique de moins en moins attractive.
Où en est la négociation salariale dans la fonction publique ?
Nulle part. Depuis l’été dernier, il n’y a eu aucune annonce du gouvernement alors que la question du pouvoir d’achat reste le sujet d’inquiétude principal des agents. En 2022 et 2023, dans une période de forte inflation, des efforts non négligeables ont été faits. Nous avons eu l’honnêteté de le dire publiquement, tout en soulignant leur insuffisance au regard de l’inflation et de ses conséquences sur les dépenses contraintes.
En 2024, l’inflation reste élevée mais le gouvernement semble jouer la montre. Alors que nous devrions être en train de négocier la valeur du point ou le nombre de points supplémentaires à attribuer aux agents, il ne se passe rien. Face à ce silence, l’ensemble des organisations syndicales a décidé d’un mouvement commun mardi 19 mars afin d’exiger du gouvernement des mesures générales sur les salaires. C’est une priorité dans la période. Nous devons obtenir une réponse.
Se dirige-t-on vers un gel du point d’indice malgré une inflation qui perdure ?
Jusqu’à présent, le gouvernement est resté silencieux. Il n’a pas parlé de gel du point d’indice ou d’année blanche. Mais les 800 millions d’euros d’économies sur la masse salariale des agents de la fonction publique de l’État ne sont pas de très bon augure avant d’entamer les discussions. Une partie de ces économies devrait être réalisée en décalant les embauches, c’est-à-dire en laissant des postes vacants au détriment des collègues en poste qui devront continuer à remplir leur mission… mais avec moins de bras.
Réaliser des économies en ne remplaçant pas les départs à la retraite est une politique comptable qui ne fait pas sens. Alors que la fonction publique peine à recruter par manque d’attractivité, cette annonce risque d’accentuer les difficultés. Et, par extension, nous avons également des craintes à propos des économies à venir sur la masse salariale dans les hôpitaux ou les collectivités locales.
Si l’on met de côté la discussion à propos des salaires, d’autres sujets sont-ils sur la table des négociations ?
Mis à part l’accord relatif à la prévoyance qui a été signé, l’agenda social dans la fonction publique est aujourd’hui au point mort. Le remaniement n’a pas aidé. Nous n’avons pas eu de ministre pendant plusieurs semaines. La fameuse loi sur la fonction publique, annoncée pour la fin 2023, dans un premier temps, est repoussée au second semestre 2024… mais les négociations et concertations pour lesquelles nous sommes prêts ne commencent pas.
Plus globalement, le gouvernement annonce 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires…
Oui, à la question de la masse salariale s’ajoutent les économies qui sont envisagées en matière de politiques publiques. Tous les ministères sont concernés, mais on voit bien que ce sont les citoyens les plus fragiles qui vont pâtir de ce recul de la puissance publique. Des domaines jugés pourtant prioritaires – comme l’Éducation nationale, la Recherche, le Travail ou encore la Transition écologique – sont particulièrement impactés.
En refusant d’envisager une réforme fiscale, le gouvernement fait le choix de couper dans les dépenses sociales pour parvenir à réduire le déficit de la France. Ce n’est évidemment pas la solution préconisée par la CFDT. Et c’est d’ailleurs une forme de remise en question du travail des agents publics. C’est également très compliqué pour la haute administration, qui se retrouve à devoir mettre en musique ce plan d’économies.
Que dire de la méthode ?
L’annonce est tombée un dimanche soir à la télévision, au milieu des vacances scolaires : des perspectives de croissance de la France revues à la baisse pour 2024 (passant de 1,4 % à 1 %) et un plan d’économies supplémentaires de 10 milliards sur le budget de l’État. Trois jours plus tard, un décret a été publié en ce sens au Journal officiel. Alors que les députés avaient voté un budget six semaines plus tôt, le gouvernement revient dessus sans débat, sans concertation. Cela pose un problème démocratique. On peut même s’interroger sur la sincérité du gouvernement au moment du vote du budget, à la fin 2023, tant les perspectives de croissance apparaissaient déjà surévaluées. Dans tous les cas, la méthode se révèle particulièrement brutale.
Associer les organisations syndicales à l’élaboration du budget est un exercice compliqué, mais il est quand même possible. Le gouvernement n’a décidément pas la culture du débat et de la concertation.
Et le ministre de l’Économie et des Finances annonce déjà 20 milliards d’euros d’économies en 2025…
Ces déclarations sont éminemment politiques et à prendre avec des pincettes. Pour autant, le message envoyé aux agents n’est guère réjouissant. Si la France doit fournir des efforts pour réduire son déficit, ces efforts doivent être partagés par tous, et le débat sur la politique fiscale doit être ouvert. Comme l’affirme un slogan bien connu de la CFDT, les agents ne sont pas un coût, ils sont une richesse – notamment pour les Français les plus fragiles.