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Extrait de l’hebdo n°3945
Ces dernières années, les chantiers s’accumulent dans le domaine de la santé et de l’accompagnement, dans les secteurs public et privé. Ève Rescanières, secrétaire générale de la CFDT Santé-Sociaux, tire le signal d’alarme et alerte sur la lente dégradation de notre système de santé.
Le 5 décembre, les personnels de la fonction publique hospitalière ont répondu présents lors de la journée de mobilisation nationale dans les fonctions publiques. Quelles étaient leurs revendications ?
1. Garantie individuelle de pouvoir d’achat.
Comment l’ensemble des agents publics, ils dénoncent la stigmatisation dont ils sont la cible. Ils disent non aux trois jours de carence, à la baisse de l’indemnisation des arrêts pour cause de maladie et à la suppression de la Gipa1. Il est inadmissible que les agents publics soient les boucs émissaires de la dette et que les usagers en payent le prix.
Surtout, nous alertons sur la dégradation des conditions de travail des personnels et des conditions d’accueil des usagers. Dernier exemple en date, à l’hôpital de Langres (Haute-Marne / Grand Est), faute de places, les patients ont été pris en charge… dans le garage de l’établissement. C’est scandaleux mais malheureusement symptomatique de ce qui se passe partout sur le territoire. Je ne parle même pas des urgences, qui sont dans une situation catastrophique depuis plusieurs années. Nous alertons également sur la situation financière des établissements hospitaliers publics. Dix-huit centres hospitaliers universitaires (sur les trente-deux que compte notre pays) étaient en « insuffisance nette de financement » à la fin de l’année 2023. C’est la pérennité même des établissements qui en jeu.
Par ailleurs, 3 000 agents des établissements sociaux autonomes ne bénéficient toujours pas du complément de traitement indiciaire de 183 euros obtenus à l’occasion du Ségur de la santé… il y a plus de trois ans ! Il est urgent de corriger cette injustice.
Qu’en est-il dans les établissements privés ?
Hélas, la situation n’est guère plus réjouissante. Comme dans le public, nous sommes au fond du trou et, malheureusement, on continue de creuser. Les personnels, épuisés, tentent de surnager. C’est un tunnel sans fin. Les employeurs ne sont pas à la hauteur des enjeux. Leur attitude face à l’avenant 33 en est une indigne illustration.
C’est-à-dire ?
2. Relatif aux classifications et revalorisations salariales des salariés des cliniques privées, du médico-social (Ehpad) et du thermalisme.
Cet accord2, signé en février 2023, prévoyait que 260 000 salariés bénéficient d’augmentations de salaire immédiates, de la majoration de sujétion de nuit, des dimanches et des jours fériés au 1er juillet 2024 ou encore d’une revalorisation des carrières. Mais les employeurs, qui ont bel et bien signé ce texte, refusent aujourd’hui encore de l’appliquer. Si rien n’est fait d’ici au début janvier 2025, nous prendrons les mesures qui s’imposent, y compris par la voie judiciaire. Nous irons devant le Conseil d’État contre le gouvernement, et en assignation accélérée sur le fond et la forme contre les employeurs. Nous ne lâcherons rien.
La CFDT Santé-Sociaux demande également un renforcement du contrôle de l’argent public perçu par les acteurs de la santé privé ?
C’est une nécessité absolue. À l’heure où le gouvernement cherche à faire des économies et demande aux Français de se priver de dizaines de milliards d’euros, c’est vital. Le déremboursement de certains médicaments ou la mise en place de jours de carence – à part qu’ils pénalisent les citoyens les plus précaires et les travailleurs – n’apportent aucune réponse. De l’argent, il y en a. Nous allons d’ailleurs prochainement démontrer comment, par divers montages financiers et stratégies, une partie de l’argent public est capté par certains grands groupes aux dépens de la qualité de service et au détriment de la reconnaissance de l’engagement des personnels soignants.
C’est peu dire que le dialogue social est à la peine ?
Nous appelons à la responsabilité des employeurs, du secteur public comme privé. L’État, bien évidemment, se doit d’être exemplaire et de prendre la mesure de la réalité. Partout, nous appelons les chefs d’établissement à jouer la carte du dialogue social. C’est en proximité que doivent être discutés les conditions et l’organisation du travail ou le recours à l’intérim.
Enfin, nous sommes très inquiets du fait de l’instabilité politique actuelle, synonyme d’immobilité… Cela, notre secteur ne peut se le permettre. On ne peut pas attendre six mois et se contenter d’un budget de la Sécurité sociale à l’identique pour 2025. Cela va aussi ralentir les discussions au sujet de la convention collective unique dans la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale, ou celles sur les classifications dans les laboratoires.