Le mal-logement, ce mal qui ronge la France

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iconeExtrait de l’hebdo n°3951

Le 30e rapport de la Fondation pour le logement des défavorisées, rendu public ce 4 février, pointe les renoncements des pouvoirs publics en matière de logement. Le nombre de mal-logés dans notre pays n’a fait que croître en 2024… et les personnes en situation de handicap sont particulièrement touchées.

Par Claire Nillus— Publié le 04/02/2025 à 13h00

Cette année, la Fondation s’est plus particulièrement intéressée aux difficultés vécues par les personnes en situation de handicap, vingt ans après la loi de 2005.
Cette année, la Fondation s’est plus particulièrement intéressée aux difficultés vécues par les personnes en situation de handicap, vingt ans après la loi de 2005.© Pierre Faure

« Le présent rapport de la Fondation Abbé Pierre – “L’État du mal-logement en France” est le trentième du nom. Et ce sera le dernier signé du nom Fondation Abbé Pierre », déclare, en préambule du document, Marie-Hélène Le Nédic, la présidente de la fondation désormais rebaptisée Fondation pour le logement des défavorisés. Le dernier du nom, donc, pointe toujours avec autant de force que les années précédentes la dégradation continue en matière de mal-logement dans notre pays. Il existe 4,2 millions de personnes mal logées en France – dont 350 000 qui dorment dans la rue, parmi lesquelles 3 000 enfants, un niveau jamais atteint. En 2020, la Fondation avait estimé ce nombre à 300 000 personnes, et 330 000 en 2023.

Plus globalement, il y aurait 12,3 millions de personnes en situation de fragilité eu égard au logement. Parmi celles-ci, quelque 590 000 personnes vivent chez des amis ou sont hébergées par leur famille, parfois leurs propres enfants, tandis que la demande de logement social explose avec 2,7 millions de ménages en attente… deux fois plus qu’il y a vingt ans. Pourtant, en 2023, il y a eu 100 000 attributions de moins qu’en 2016, et l’offre neuve de logements sociaux a, elle aussi, considérablement diminué (124 000 en 2016, 82 000 en 2023).

“Solidarité à l’envers”

Enfin, faut-il le rappeler : la situation s’aggrave à mesure que les inégalités augmentent. « En vingt ans, selon l’Insee, le patrimoine des 10 % des Français les moins dotés a diminué de moitié (– 54 %), tandis que celui des 10 % les plus fortunés a doublé (+ 94 %), dopé par la hausse de l’immobilier », souligne ce 30e rapport. La Fondation dénonce aussi la « solidarité à l’envers », résultat de la non-reconduction de la plupart des mesures de soutien au pouvoir d’achat prises en 2022 et, à l’autre extrémité, les mesures prises en 2023 en faveur du niveau de vie des 10 % les plus aisés.

Alors que le logement reste le grand absent des débats publics, nombre d’événements rappellent combien il peut coûter cher en vies humaines lorsqu’il n’est pas adapté. Le cyclone Chido, qui a frappé Mayotte le 14 décembre 2024, a majoritairement touché les personnes qui vivaient dans les bidonvilles de l’île. Plus près de nous, en métropole, 735 personnes sont mortes dans la rue en 2024 ; 10 000 personnes meurent chez elles à cause du froid chaque année, 5 000 à cause des canicules. Malgré ces drames, tous les indicateurs, une fois de plus, restent dans le rouge.

Deux fois plus de personnes handicapées mal logées

À l’occasion des vingt ans de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la Fondation s’est plus particulièrement intéressée aux difficultés vécues par les personnes en situation de handicap. Le texte de 2005 avait suscité des espoirs, notamment en matière de logement, mais le constat est sans appel : on compte aujourd’hui 50 % de mal-logés supplémentaires parmi les personnes en situation de handicap par rapport au reste de la population. Entre des revenus souvent moindres, des logements mal ou non adaptés et les discriminations à leur encontre de la part des bailleurs, elles sont triplement pénalisées.

« Une personne sourde soupçonnée d’être bruyante se voit refuser son dossier, un handicap qui pourrait entraîner des travaux d’adaptation du logement trop coûteux fait peur… Dans chaque cas, la capacité à habiter de ces personnes est questionnée », affirme Manuel Domergue, chargé du dossier au sein de la Fondation. Par ailleurs, dans le parc social, seuls 18 % des logements seraient considérés comme accessibles et 6 % accessibles et adaptés. Les délais d’accès au parc social pour une personne en situation de handicap se retrouvent donc considérablement rallongés. « Alors que le handicap est un critère de priorité dans l’accès au logement, dans les faits, c’est tout l’inverse ! », poursuit Manuel Domergue.

Une autre politique est possible

1. Aides personnalisées au logement.

« Une autre politique du logement est possible, mais il faut d’abord restaurer les deux piliers de la solidarité dans le domaine du logement », estime Christophe Robert, délégué général de la Fondation. Cela suppose de relancer la construction du parc HLM, de stopper les ponctions sur Action Logement (1,3 milliard d’euros prélevés par l’État en 2023) et de cesser de faire des économies sur le versement des APL1 (4 milliards d’euros économisés chaque année).

À propos de l'auteur

Claire Nillus
Journaliste

Beaucoup d’autres mesures, comme celles que porte le Pacte du pouvoir de vivre, ont été présentées ce jour à la ministre chargée du Logement, Valérie Létard. Parmi elles figurent la poursuite de la politique de régulation du marché locatif (encadrement des loyers, limitation des locations touristiques…) et une meilleure distribution des richesses à travers la taxation accrue des grandes successions. Mais, comme dans d’autres domaines, l’instabilité politique nuit à la politique du logement. « Inacceptable quand on pense aux souffrances sociales auxquelles cela renvoie », plaide le délégué général de la Fondation.