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Extrait de l’hebdo n°3902
Adhérents depuis septembre 2023, ils ont décidé de sauter le pas du militantisme et de présenter une liste aux élections CSE. Faisant désormais jeu égal avec la CGT, ils comptent bien donner de la voix aux plus jeunes, jusqu’alors oubliés du dialogue et des revendications syndicales. Rencontre avec l’équipe surmotivée d’Arpej Rezé.
1. Syndicat Communication, Conseil, Culture.
De mémoire de responsable syndical, on n’avait pas vu cela depuis très longtemps. « Un phénomène peu commun, assez unique dans notre champ professionnel, avoue même Bruno Resano, secrétaire général adjoint du S3C1 Loire-Atlantique et Vendée. Mais la dynamique de développement puis d’engagement de cette équipe a très vite attiré notre attention. » Située dans la proche banlieue de Nantes, l’association Arpej propose des activités de loisirs aux Rezéens âgés de 3 à 17 ans. Répondant aux fondements de l’éducation populaire, la structure emploie 70 salariés dont près de la moitié sont des animateurs. Un public particulièrement jeune et souvent (très) précarisé.
2. Contrat unique d’insertion - contrat d’accompagnement dans l’emploi.
Hélène Fichet, fraîchement élue secrétaire du comité social et économique (CSE), a longtemps fait partie de ceux-là. Travaillant dans le secteur de l’animation depuis dix ans, elle se souvient de ses sept années de contrats aidés (aujourd’hui appelés CUI-CAE2). « Des années très compliquées où il fallait se battre pour sortir la tête de l’eau, résume la jeune femme de 35 ans. Actuellement, le salaire moyen d’un animateur tourne autour de 650 euros par mois pour des contrats qui vont de douze heures en période normale à quarante-six heures par semaine pendant les vacances scolaires. » Pour vivre correctement, une grande partie d’entre eux doit donc cumuler les employeurs – ou tourner sur les différents sites de l’association, avec des emplois du temps très morcelés et une amplitude horaire journalière qui s’étale de 7 heures à 19 h 30.
Un matin de septembre, 10 % de l’effectif adhère…
« Ce sont eux notre priorité ; nous voulons qu’ils se sentent écoutés et qu’ils puissent avoir voix au chapitre », appuie Aziliz Viaud, responsable d’accueil de loisirs et déléguée syndicale CFDT. Cette responsabilité, elle n’y aurait jamais songé il y a encore quelques mois. « Mais nous étions plusieurs à avoir envie de proposer quelque chose de différent. » La CGT, seule force syndicale alors présente au sein de l’association, ne répond pas réellement aux attentes. Peu d’informations circulent et beaucoup de choses se passent sans que les salariés en soient réellement informés.
3. Elle compte six accueils de loisirs répartis dans les différents quartiers de Rezé.
De fait, avec six autres salariés, ils adhèrent tous en septembre 2023 ; dans un coin de leur tête, il y a évidemment la perspective des élections professionnelles. « Jusqu’à maintenant, on avait un CSE élu par défaut et géré par des anciens issus majoritairement du pôle administratif. On trouvait important qu’il y ait enfin des animateurs qui représentent les animateurs. On est allé chercher dans les différentes structures de l’association3 des collègues de tous les horizons pour leur proposer de figurer sur les listes électorales », développe Brice Yacé, élu du premier collège et trésorier du CSE. À 33 ans, cet ancien animateur devenu directeur de centre estime avoir mis du temps à sauter le pas. « Je trouve courageux que des collègues le fassent à 20-25 ans. Ceux qui s’engagent, ce sont aussi ceux qui vont rester », affirme-t-il.
La moitié des sièges pour la CFDT, une percée historique
Le premier tour est fixé au 7 novembre, et le dépôt des listes prévu le 19 septembre. « Il a fallu tout boucler en trois semaines : la profession de foi, la finalisation des listes… C’était dense, mais on a été aidés par Bruno, qui, au-delà de l’apport technique, a réussi à impulser une vraie dynamique collective. » Et le résultat est à la hauteur des attentes : la CFDT rafle 50 % des sièges, une entrée en matière fracassante !
Désignée déléguée syndicale à la fin novembre 2023, Aziliz participera début février au rassemblement des nouveaux élus des Pays de la Loire. Elle en attend « un cadre et des conseils, car les premières réunions de CSE suscitent énormément de questions », avoue-t-elle encore timidement. Mais elle sait qu’elle peut compter sur le syndicat pour tout ce qui touche à la formation syndicale et sur le collectif CFDT. Côté direction, après de multiples changements à la tête d’Arpej, l’arrivée, il y a deux ans, d’un nouveau directeur général et ancien animateur formé à l’éducation populaire par les Francas offre enfin une certaine stabilité. « Le dialogue social fonctionne plutôt bien et on a envie que cela dure. »
Le syndicalisme, un “truc de vieux” ?
Lorsqu’on interroge les membres de la nouvelle équipe à propos de leur choix de s’engager à la CFDT, ils évoquent évidemment les valeurs, proches de leurs convictions personnelles, mais aussi une approche adaptée de ce que doit être le dialogue social. « Ce que l’on veut, c’est trouver des solutions en négociant, pas en y allant trop frontalement », résument Aziliz et Hélène. Et alors que l’âge limite permettant d’être considéré « jeune CFDT » approche en ce qui les concerne, elles aimeraient que leur expérience contribue à changer l’image de l’engagement. « Pour beaucoup de personnes, le syndicalisme reste un truc de vieux. Ça serait donc bien d’en parler un peu plus tôt dans la carrière et de se dire qu’entre 20 et 30 ans, on peut découvrir des choses. Avec le recul, je me rends compte que le fait de pouvoir être accompagné est vraiment intéressant. Finalement, j’aurais bien aimé m’engager avant, confie Hélène. À nous d’apporter ça, maintenant ! »