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Extrait de l’hebdo n°3939
Depuis presque trois mois, les mobilisations contre la vie chère se succèdent sur l’île. Un protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère a été signé le 16 octobre entre l’État et les représentants des employeurs. Une étape insuffisante selon la CFDT Martinique, qui appelle à un véritable dialogue social.
1. Afin d’effectuer davantage de contrôles et sanctionner les abus.
Un premier pas dans la bonne direction… mais peut mieux faire ! Si le protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère entre l’État, la collectivité territoriale de Martinique, les organisations d’employeurs et les représentants de la grande distribution constitue en soi une bonne nouvelle, la CFDT Martinique est d’autant plus nuancée dans son avis que les organisations syndicales n’ont pas été invitées à la table des discussions. « Nous avons été totalement exclus des discussions alors que nous avons des propositions concrètes pour lutter contre la vie chère et la pauvreté », déplore Paul-Émile Beausoleil, le secrétaire général de la CFDT Martinique. Parmi ces propositions figurent « le blocage des prix des produits de première nécessité, le renforcement du rôle de l’État à travers les observatoires des prix1 et la refonte de la fiscalité », détaille-t-il.
Un protocole qui ne supprime pas les inégalités
Si l’accord (il doit entrer en vigueur au 1er janvier 2025) répond en partie aux revendications de la CFDT Martinique, il ne va pas assez loin. « Surtout, il n’est pas contraignant et rien ne garantit qu’il sera suivi d’effets », poursuit Paul-Émile Beausoleil. En théorie, l’accord devrait entraîner une baisse des prix de plus de 6 000 produits. Parmi les 28 engagements des signataires, il y a la mise en place par l’État d’une TVA à taux nul sur une assiette de 69 familles de produits ainsi que l’engagement des hypermarchés à renoncer à une marge excessive sur l’ensemble des produits alimentaires. L’accord prévoit également de favoriser la production locale.
Même s’il est suivi d’effets, ce texte ne résoudra pas complètement les disparités de prix qui peuvent exister entre la Martinique et la métropole. Le protocole ne dit d’ailleurs pas autre chose : « Pour un panier de produits dont le différentiel de prix moyen avec l’Hexagone est de 40 %, cette baisse de prix ramènera le différentiel de prix moyen à 12 %. »
Faire le maximum pour assainir la situation
Selon Paul-Émile Beausoleil, l’urgence est telle que l’on ne peut plus se contenter de bonnes intentions. En effet, l’Insee, dans une étude d’octobre 2023, comptabilisait 44 300 ménages martiniquais se situant sous le seuil de pauvreté – soit 27 % de la population régionale (contre 14,4 % en métropole) et 32 % des enfants. « Nous estimons que c’est tout le modèle économique des territoires ultramarins qui doit être revu. Les inégalités par rapport à la métropole ne sont pas acceptables », développe Paul-Émile, pour qui il existe une voie de sortie de la crise et du cycle de violences qui l’accompagne – « les dérives consistant à détruire des entreprises de Martiniquais comme des pharmacies ou des cabinets médicaux, ou simplement à empêcher les Martiniquais de se rendre au boulot ou les élèves à l’école ». Cette voie de sortie de crise passe donc par un dialogue social de qualité, apaisé. « La Martinique brûle. Il est temps que l’État prenne des dispositions pour mettre en place une conférence sociale avec l’ensemble des acteurs. Celle-ci devra déboucher sur des mesures concrètes et contraignantes. »