“Il faut un nouveau modèle économique, social et fiscal pour la Nouvelle-Calédonie”

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iconeExtrait de l’hebdo n°3938

Partenaire syndical de la CFDT, l’Usoenc (Union des syndicats des ouvriers et employés de Nouvelle-Calédonie) est actuellement à Paris et multiplie les rencontres avec les acteurs institutionnels pour alerter sur l’urgence sociale de l’île et sortir le territoire de la crise.

Par Guillaume Lefèvre— Publié le 22/10/2024 à 12h00

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© Syndheb

« La situation sur le Caillou peut exploser n’importe quand. Nous observons une phase de stabilisation en matière de sécurité, mais cela reste un semblant de calme fragile. » Jean-Marc Burette, le secrétaire général de l’Usoenc, a la mine grave. D’après les données de l’Institut de la statistique et des études économiques de la Nouvelle-Calédonie (Isee), 6 000 emplois ont été détruits au premier semestre 2024, et 19 330 salariés ont bénéficié du dispositif de chômage partiel, soit près d’un salarié du privé sur trois. Par ailleurs, près d’un millier de travailleurs indépendants ont cessé leur activité.

« Chaque jour annonce son lot de mauvaises nouvelles. Les liquidations judiciaires et les licenciements économiques se multiplient, ce qui, à long terme, va avoir un effet boule de neige. Clairement, nous sommes face à une bombe sociale et économique. La situation en Nouvelle-Calédonie relève de l’urgence absolue, et nous demandons à l’État des ressources financières afin d’assurer la survie à court terme du système socio-économique. » Ce message, l’Usoenc le martèle depuis son arrivée à Paris. Au ministère de l’Outre-mer, au Conseil économique, social et environnemental, mais aussi devant les parlementaires.

Tous les secteurs d’activité concernés

Sur l’île, aucun secteur n’est épargné par les conséquences de la crise. Au premier trimestre 2024, l’emploi dans le bâtiment a reculé de 6,5 %, de 1,8 % dans les services, de 2,2 % dans l’industrie et de 4,6 % dans l’agriculture. « Les inquiétudes sont vives dans l’industrie du nickel, gros pourvoyeur d’emplois directs et indirects, détaille Alexis Falematajia, le secrétaire général du Soenc Nickel, qui fait partie de la délégation arrivée en métropole à la mi-octobre. La fermeture de l’usine KNS, le 31 août dernier, a laissé 1 200 salariés sur le carreau. Les regards sont maintenant tournés vers la Société Le Nickel (SLN), qui a déjà mis 70 % de ses 1 500 salariés au chômage partiel, et vers Prony Resources, où 80 % des 1 200 salariés sont dans la même situation. »

Dans la fonction publique, l’heure est également à la morosité. Si le paiement des salaires des 16 000 agents publics est à ce jour garanti jusqu’au 31 décembre 2024, la vision court-termiste de l’État inquiète. « Les collectivités réduisent unilatéralement le temps de travail des agents, rognent sur les coûts, ferment les cantines scolaires », alerte Sylvianne Jinakoa, du Soenc Fonction publique. Dans les transports publics, seul 25 % du trafic habituel est à ce jour assuré, mais de manière dégradée. « Le prix du billet unitaire a été augmenté unilatéralement d’un euro par les collectivités pour compenser les pertes, portant un coup au portefeuille des 30 000 usagers quotidiens. On est en train de demander aux Calédoniens les plus vénérables de payer le coût de cette crise », dénonce Francisco Sione, le secrétaire général du Soenc Transports.

Parer à l’urgence… et construire l’avenir

À propos de l'auteur

Guillaume Lefèvre
Journaliste

À cela s’ajoute, pour tout un chacun, le problème de la vie chère, comme le connaissent d’autres départements et territoires ultramarins. En Nouvelle-Calédonie, la différence du coût de la vie entre Nouméa et Paris s’élève à 31 %, d’après les données de l’Isee. L’institut pointe des produits alimentaires 78 % plus chers sur l’île, et des prix du logement supérieurs de 30 %. « Il faut revoir le modèle économique qui, aujourd’hui, repose sur une prédominance d’une situation de monopole dans la distribution et le transport et provoque des marges élevées pour les bénéficiaires », explique le secrétaire général de l’Usoenc. Plus globalement, « il faut parer à l’urgence et travailler à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, insiste Jean-Marc Burette. Les priorités doivent aller au soutien et à la relance de l’économie ainsi qu’à la reconstruction du territoire, ce qui nécessite au préalable que l’État agisse pour la sécurité des Calédoniens. Surtout, il ne faudra pas oublier la dimension sociale. Ces réponses devront se construire dans le cadre d’un dialogue social renforcé avec les partenaires sociaux et la société civile. Mais on le sait : il faudra du temps pour reconstruire ce dialogue et retrouver le chemin d’un destin commun et d’une société apaisée ».