Face à la surchauffe du système de santé, la CFDT se mobilise dans les territoires

temps de lectureTemps de lecture 6 min

iconeExtrait de l’hebdo n°3900

Fermetures de lits, démissions de personnels, urgences saturées… : de Dunkerque à Lorient, de Limoges à Strasbourg, c’est partout le même constat. Parce qu’ils n’acceptent pas cette situation, les militants CFDT multiplient les alertes et les initiatives.

Par Guillaume Lefèvre— Publié le 12/12/2023 à 13h00

La pétition « Exigeons une amélioration des conditions de travail dans nos hôpitaux et Ehpad », de la CFDT-Santé-Sociaux de la Haute-Vienne, est à signer sur le site change.org (https://www.change.org/).
La pétition « Exigeons une amélioration des conditions de travail dans nos hôpitaux et Ehpad », de la CFDT-Santé-Sociaux de la Haute-Vienne, est à signer sur le site change.org (https://www.change.org/).© CFDT-Santé-Sociaux - DR

« On ne lâchera rien et on verra la CFDT partout ! » David Combeau, le secrétaire général de la CFDT-Santé-Sociaux de la Haute-Vienne, annonce la couleur. Sur les parkings des supermarchés et les marchés de Noël, dans les rues piétonnes, en direct ou en ligne… : depuis une semaine, les militants Santé-Sociaux haut-viennois diffusent une pétition alertant sur la dégradation du système de santé dans le département. Il y a ainsi 151 lits fermés et des urgences surchargées au centre hospitalier universitaire de Limoges, 87 lits fermés à l’hôpital de Saint-Junien, 41 lits fermés à l’Hôpital intercommunal du Haut Limousin (Bellac, Le Dorat et Magnac-Laval), une fermeture des urgences de Confolens et des démissions en cascade.

« L’offre de soins se réduit dans le département, les conditions de travail ne cessent de se dégrader, le temps de prise en charge des patients augmente, certains attendent parfois plusieurs jours dans les couloirs. De plus en plus de soignants démissionnent face à cette maltraitance institutionnelle. C’est une catastrophe pour les patients car il devient plus compliqué de se faire soigner comme pour les professionnels de santé, qui ne peuvent pas exercer leur métier correctement. »

Un “Vis ma vie” avec une députée

Même son de cloche en Bretagne où, le 27 novembre dernier, les agents du Groupe hospitalier Bretagne Sud (15 sites dans le Finistère et le Morbihan) se sont mis en grève. Ils dénonçaient « la destruction croissante et insidieuse de l’hôpital public avec une incidence directe sur la prise en charge des usagers ». Plus de mille personnes étaient rassemblées afin d’alerter sur la dégradation de leurs conditions de travail et de demander à la direction l’ouverture de négociations permettant de garantir un accès de tous et toutes à des soins de qualité.

Pour témoigner des difficultés des soignants, la CFDT-Santé-Sociaux du Morbihan a interpellé les élus locaux à propos des conditions de travail dans les Ehpad. « Nous leur avons proposé de se confronter au réel et de passer une journée au sein d’un établissement. Une sorte de “Vis ma vie” », résume Patrice Juin, secrétaire du Syndicat Santé-Sociaux 56. Une élue s’est prêtée à l’exercice. « Elle a pu constater la dureté du métier. Elle ne réalisait pas l’ampleur des missions des personnels soignants et accompagnants. Cette expérience ne peut être que bénéfique pour faire prendre conscience des besoins et du manque de moyens auxquels font face les soignants. » Cette initiative, la CFDT-Santé-Sociaux compte la renouveler en 2024.

La médecine du travail en souffrance

À l’est, c’est l’Union régionale interprofessionnelle (URI) des Hauts-de-France qui a interpellé les élus de son territoire et alerté sur le manque de médecins du travail. « Dans le Dunkerquois, ils sont neuf pour 53 000 salariés, explique Nicolas Tancrez, secrétaire régional. Ils ne peuvent pas mener à bien leur mission, qui est essentielle, d’autant plus que 17 sites Seveso sont recensés sur le bassin local. » D’ailleurs, la situation risque de se dégrader rapidement si aucune mesure n’est prise. En effet, 30 000 emplois devraient voir le jour d’ici à 2030 dans la « vallée de la batterie ». Il y a donc urgence. Et ça, la CFDT l’a bien compris. Son travail auprès des parlementaires a payé. Le 28 novembre, une députée du cru portait cette problématique devant l’Assemblée nationale à l’occasion d’une question orale…

Des propositions portées dans le cadre du plan régional de santé

Dans le Grand Est, la CFDT a multiplié les propositions en vue de renforcer l’accès aux soins. En avril dernier, elle a déposé une contribution de neuf pages à l’occasion des travaux menés autour du plan régional de santé, avec la volonté affichée de « défendre les intérêts particuliers du monde du travail et participer à la définition de l’intérêt collectif ». « Nous sommes dans un engrenage infernal qu’il est urgent de stopper, alerte Dominique Toussaint, secrétaire général de la CFDT-Grand Est. Les secteurs de la santé, du médico-social et du social font face à une pénurie de personnel sans précédent. Les conséquences sont alarmantes tant pour les agents subissant des conditions de travail extrêmement dégradées que pour les usagers. Ces secteurs, déjà en difficulté avant la crise sanitaire, sont aujourd’hui exsangues. »

Alors que les propositions avancées par la CFDT n’ont pas été retenues, voire à peine considérées, la CFDT-Grand Est poursuit son travail d’alerte. Avec un certain succès, puisque le Conseil régional Grand Est émettait à la mi-octobre un avis réservé concernant le document présenté par l’Agence régionale de santé. C’est une étape mais pas une fin en soi selon Dominique Toussaint, secrétaire général de l’URI Grand Est, qui, en lien avec les syndicats Santé-Sociaux régionaux, continue de répertorier l’ensemble des difficultés rencontrées.

À propos de l'auteur

Guillaume Lefèvre
Journaliste

L’Union régionale organisera une conférence de presse sur le sujet dans les semaines à venir. Et là encore, elle pourra s’appuyer sur des exemples concrets. Dans les Vosges, par exemple, ce sont les urgences de Remiremont et de Vittel qui fonctionnent en mode dégradé (fermeture ou amplitude horaire réduite). Le 4 décembre, la CFDT de l’hôpital d’Épinal interpellait le ministre de la Santé et de la Prévention, Aurélien Rousseau, lors de sa venue dans l’établissement. « La prise en charge dégradée des patients dans nos services de soins entraîne une dérive préjudiciable compromettant leur bien-être. Il est crucial d’agir afin que le système de santé devienne une priorité nationale. »