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Extrait de l’hebdo n°3926
La CFDT Hauts-de-France a organisé trois débats en huit jours pour échanger avec ses militants et adhérents sur l’actualité politique à la veille des législatives. C’est à la Bourse du travail de Lille que se tenait le débat du 26 juin, coanimé par Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la CFDT, et Perrine Mohr, secrétaire générale de l’Union régionale des Hauts-de-France. Une occasion de plus pour la CFDT d’expliquer son positionnement.
« La démarche est à la fois compliquée et courageuse », remarque un militant. Compliquée parce que, dans ce territoire miné par les fragilités sociales (chômage, pauvreté), les électeurs ont placé le Rassemblement national en tête du scrutin des élections européennes dans 97,5 % des communes de la région. Courageuse parce qu’il faut parvenir à se faire entendre dans le brouhaha ambiant – tout en restant sur le terrain syndical. La CFDT est parfaitement claire : elle ne donne pas de consigne autre que celle de voter contre l’extrême droite au premier tour, et pour le candidat qui fera rempart au second tour.
« Chaque adhérent est libre de ses opinions. Mais, à la CFDT, nous sommes historiquement opposés aux valeurs prônées par le RN. La question de l’égalité des personnes est un des fondamentaux de notre engagement syndical : le RN milite pour la rupture d’égalité entre les humains, et cela, nous ne pouvons l’accepter », rappelle Yvan Ricordeau. Sur le positionnement « ni neutre ni partisan » de la Confédération, il clarifie de même : « Nous faisons ce choix en responsabilité – même ici, où le RN est en tête partout. Nous prenons ce risque car il ne s’agit pas de remettre en cause nos statuts lorsque le vent ne nous est pas favorable politiquement. »
Voter RN, c’est se tirer une balle dans le pied
Ces premiers mots ont posé le cadre et rappelé que la CFDT ne soutient aucun parti politique. Mais il a surtout été demandé aux participants de parler librement. Qu’en pensent-ils ? Comment cette position de la CFDT est-elle perçue sur leurs lieux de travail ? Et comment comprennent-ils ce désir d’extrême droite ? En réalité, beaucoup ne le comprennent pas. « En votant RN, nos militants et nos adhérents se tirent une balle dans le pied !, affirme ce responsable de syndicat qui relate sa difficulté à rassembler sur ce sujet. Finalement, nous sommes peu à nous mobiliser, c’est très inquiétant. »
Le constat est amer, et le sursaut démocratique de 2024 ne ressemble pas du tout à celui de 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen est arrivé au second tour de l’élection présidentielle. « Le vote a changé, déclare un délégué syndical d’une société d’assurances. Il est moins contestataire, c’est un vote d’adhésion. Parmi nos salariés, beaucoup sont issus des classes moyennes, qui ont peur du déclassement. On a l’impression que quoi qu’on leur explique, ils mettront quand même un bulletin de vote RN dans l’urne. » Face à cela, il avoue également ne pas se sentir suffisamment armé pour organiser ce type de débat dans sa boîte.
Agir sur le manque de culture politique
« On a beau leur dire que c’est un parti dangereux et leur apporter les meilleurs arguments du monde, il y a un manque de culture politique, et c’est là-dessus qu’il faudrait agir, renchérit Nourredine, salarié du privé. Il faut travailler sur le fond des choses, et ça prend du temps. » Ce travail, l’Union régionale interprofessionnelle des Hauts-de-France s’y attelle pourtant depuis longtemps. Perrine Mohr évoque les travaux du groupe de travail régional sur les idées de l’extrême droite et la mise en œuvre de formations sur le sujet destinées aux militants. « Bien sûr, aujourd’hui, nous gérons du court terme préélectoral, mais quels que soient les résultats du 7 juillet, nous ne renoncerons pas. Le sujet de l’extrême droite est trop grave et déjà trop présent dans toutes nos instances, il faut y aller ! »
À la question de savoir comment travailler syndicalement si le RN arrive au pouvoir, « il y aura des réponses à trouver collectivement via les instances démocratiques de la CFDT, affirme Yvan Ricordeau. Cela prendra des semaines ou des mois. Mais une chose est sûre : il faudra ce type de débats pour comprendre et alimenter nos réflexions. »