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Ce que vivent les femmes
Minoritaires par rapport à leurs collègues masculins, les femmes conductrices pâtissent depuis des années du manque de sanitaires et de temps de pause insuffisants. Pourtant, le sujet de l’accès aux toilettes est présent dans de très nombreux textes réglementaires à l’intention des entreprises.
Pour pallier le manque de toilettes dans les trains de fret, un article du magazine Elle relayait en 2022 la polémique suscitée par un courrier de la SNCF à ses conductrices. Il leur était proposé d’expérimenter une culotte menstruelle qui leur permettait de rester de sept à huit heures avec la même protection hygiénique quand elles ont leurs règles.
Si intolérable qu’elle puisse paraître, cette suggestion reflète le manque d’intérêt persistant des employeurs du transport vis-à-vis d’une obligation sanitaire pourtant clairement mentionnée par le code du travail : celui-ci parle pudiquement mais avec force détails des « cabinets d’aisance » et leurs caractéristiques pour être en conformité avec la réglementation (quantités, dimensions, aération, chauffage, propreté, matériaux, sécurité, assainissement, accessoires d’hygiène, etc.). Il y est précisé également que si la disposition des lieux ne permet pas de mettre en place ces installations, l’employeur est alors tenu de rechercher un local ou un emplacement offrant des conditions au moins équivalentes.
C’est loin d’être le cas, notamment dans les entreprises de transport.
Au volant de son camion pendant deux ans, Christelle a souffert de plusieurs infections urinaires pendant cette période. « Le système D ne suffit pas ! À savoir “se retenir” ou “ne pas boire” ou encore “consommer dans un café pour pouvoir courir aux toilettes”. C’est la galère. » « Se retenir, ça fait mal et ça impacte la concentration, et donc la conduite », ajoute Isabelle, conductrice de bus dans l’agglomération de La Roche-sur-Yon.
Sur ce réseau de transport vendéen, qui dessert une dizaine de communes dans un rayon de quinze kilomètres, la section CFDT est mobilisée sur le sujet depuis plus de dix ans. « Avec 30 conductrices (sur un contingent de 108 chauffeurs), l’accès à des toilettes ne devrait pas être un problème ! Mais on y revient tout le temps, confie Nelly, la déléguée syndicale. Petit à petit, nous avons obtenu qu’il y ait des cabanes en bout de ligne. Les premières, il y a cinq ans seulement. Et lorsqu’il y a de l’eau et de l’électricité, c’est le bonheur ! Parfois, il y a juste un petit boîtier à piles pour s’éclairer… et certaines communes rechignent encore à financer des installations correctes en nous renvoyant vers des toilettes publiques. »
« Où et quand s’arrêter ? », une inquiétude permanente pour ces salariées
La section a négocié une coupure de dix minutes toutes les trois heures de conduite, et vingt-cinq minutes au total sur six heures de trajet. « Encore faut-il que ces pauses correspondent sur le parcours à un endroit doté de sanitaires. Il faut aussi prévoir des arrêts “tampons”, qui permettent de garer le bus cinq minutes dans un environnement sûr pour une urgence. C’est un combat permanent car dans les bureaux où l’on fait les plannings, on n’a pas cela en tête tandis que penser et pouvoir anticiper “où et quand” est une inquiétude permanente des salariées. »
La préoccupation qui conduit certaines conductrices à la déshydratation volontaire entraîne en outre une véritable cohorte de problèmes de santé tels que maux de tête, calculs rénaux, constipation, coups de chaleur. Quant au stress de devoir « se maîtriser », il génère une augmentation significative des troubles musculosquelettiques, concluent plusieurs études dont celle de la Fédération internationale des ouvriers du transport. « Le droit aux toilettes est un droit humain », rappelle-t-elle dans un plaidoyer pour des installations sanitaires correctes destiné aux employeurs du secteur. C’était il n’y a pas si longtemps, à l’occasion de la Journée mondiale des toilettes qu’elle avait organisée… fin 2019.
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