À L’Est Républicain, l’IA s’expérimente

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Travailler avec l’IA

La direction du quotidien basé à Nancy a souhaité tester l’utilisation de ChatGPT pour la relecture et la correction de certains articles. Après un faux départ, l’expérimentation a eu lieu de novembre 2023 à février 2024.

Par Fabrice Dedieu— Publié le 27/09/2024 à 09h00

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© Nicolas Ridou

En cette fin octobre 2023, le CSE du journal L’Est Républicain est convoqué. Parmi les points à l’ordre du jour : une expérimentation de l’utilisation d’un système d’intelligence artificielle pour les secrétaires de rédaction. En effet, ces journalistes chargés de relire, reformuler, vérifier l’information et corriger les articles pourront utiliser ChatGPT pour traiter les textes des journalistes non professionnels, les correspondants locaux de presse. Selon la direction, il s’agit de s’acculturer à une nouvelle technologie.

La nouvelle s’ébruite dans les médias, le CSE demande une expertise. « Ça a créé de l’angoisse dans les équipes », se rappelle Julien Bénéteau, responsable de l’expérimentation, du pôle Meuse et Meurthe-et-Moselle, et du secrétariat de rédaction à L’Est Républicain. « Les enjeux n’ont pas été bien présentés. Des collègues ont été fâchés de ne pas faire partie de l’expérimentation, d’autres ont craint que ChatGPT les supplante. J’ai sous-estimé ces angoisses », reconnaît celui qui est aussi membre du CSE et adhérent CFDT. « Pour moi, ChatGPT est un outil, rien de plus, qui peut nous aider mais pas nous remplacer, en l’état actuel de la technologie. »

« Ça diminue la charge mentale »

Un temps en sursis, l’expérimentation a débuté le 22 novembre 2023, pour trois mois. Une dizaine de secrétaires de rédaction ont été impliqués. « Tous les articles n’étaient pas amenés à passer par l’IA. Le journaliste devait d’abord faire une première lecture, passer par ChatGPT si besoin, faire une seconde lecture pour voir s’il y avait des erreurs », précise Julien Bénéteau.

Au total, près de 700 articles sont passés par ChatGPT. Quid de potentielles dérives déontologiques liées aux erreurs de l’IA ? « Il ne s’agit pas de prendre le texte, de le passer dans l’IA, puis on imprime le journal. Le secrétaire de rédaction reste le maître », martèle-t-il. Il ajoute : « Ça ne nous fait pas tant gagner de temps que ça permet de diminuer la charge mentale. Quand on relit jusqu’à une quarantaine d’articles par jour, ChatGPT peut nous soulager. »

Après cette première incursion de l’IA, la direction a choisi de renouveler l’expérience avec deux autres titres du groupe Ebra (auquel appartient L’Est Républicain) Le Républicain Lorrain et Vosges Matin. L’expérimentation a débuté en juin, pour trois mois. « Nous avons monté une équipe projet plus organisée pour assurer un meilleur suivi. Nous avons mieux anticipé les choses », assure Julien, qui suit ces expérimentations au sein d’un groupe de travail commun à ces trois journaux.

1. Pratique qui consiste à faire remonter en bonne place son article et ou son site dans les résultats fournis par un moteur de recherche.

À L’Est, si l’expérimentation est terminée depuis février, de nouvelles habitudes ont été prises : « Nous avons toujours accès à l’outil, indique le responsable. Quelques-uns l’utilisent toujours pour faire des accroches, par exemple. Moi-même, je l’utilise pour améliorer le référencement 1de titres. » ChatGPT n’a pas dit son dernier mot.