Télétravail, pratiques syndicales et sociabilités au travail

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iconeExtrait de l’hebdo n°3937

De nombreuses études ont documenté l’appréciation individuelle qu’ont les salariés du télétravail. Mais quel est le ressenti des équipes, et notamment des collectifs syndicaux ? Le comité d’experts CFDT et la Fondation Jean-Jaurès se sont penchés sur la question.

Par Claire Nillus— Publié le 15/10/2024 à 12h00

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1. Association pour l’emploi des cadres.

En France, c’est un fait : les télétravailleurs sont globalement satisfaits de cette organisation du travail, qui s’est largement développée pendant et depuis la crise sanitaire de 2020. D’après une enquête de l’Apec1 publiée en mars 2024, les cadres – majoritairement éligibles au télétravail – ne veulent pas de retour en arrière. Près de la moitié des répondants déclare même qu’ils démissionneraient si l’accès au télétravail était supprimé. La nouvelle note du comité d’experts CFDT et de la Fondation Jean-Jaurès (lire l’encadré) ne remet pas en cause ce constat mais analyse la manière dont le télétravail modifie les relations de travail et, en particulier, les pratiques syndicales.

Des pratiques syndicales modifiées

Dans l’enquête menée auprès des salariés de la branche Banques et Assurances de la CFDT (et qui a servi de base à la note du comité d’experts), les élus expliquent qu’ils doivent dorénavant gérer leur propre télétravail mais également celui de leurs collègues syndiqués. Après la pandémie, ils ont dû développer les moyens d’informer, d’accompagner, d’animer une section à distance, de recruter et faire adhérer. Ils reconnaissent que les outils numériques sont très utiles lorsque l’on souhaite partager des documents, supprimer des déplacements… mais ils affirment aussi que les réunions en présentiel demeurent plus efficaces. Dès lors, comment adapter l’organisation du travail syndical au télétravail ?

Un surcroît de travail pour les élus

En 2023, la France comptait 33 % de salariés télétravaillant au moins une fois par semaine. C’est considérable. Pourtant, remarquent les auteurs, l’organisation de ce travail à distance est régulée de façon « flexible et hétérogène ». Sa mise en œuvre demande une forte implication des représentants du personnel, qui doivent négocier des accords en essayant de favoriser l’accès au télétravail au plus grand nombre possible de salariés. L’accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 préconise d’ailleurs de réfléchir en termes de tâches télétravaillables plutôt que de postes. Les élus doivent également s’attacher à améliorer les conditions du télétravail : indemnités, matériel, évaluation de la charge de travail, droit à la déconnexion, etc.

À propos de l'auteur

Claire Nillus
Journaliste

À cela s’ajoutent les risques psychosociaux (isolement, intensification du travail), à surveiller. « Le télétravail fait maintenant pleinement partie du travail syndical. Il est devenu un enjeu central de la relation salariale, du dialogue social et de la dimension collective de nombreuses activités de travail », insistent ainsi la Fondation Jean-Jaurès et le comité d’experts dans leur note. De fait, le télétravail reproduit les liens qui existent dans une équipe : même à distance, ceux-ci se maintiennent lorsqu’ils sont bons mais s’affaiblissent dans le cas contraire.

La composition du comité d’experts CFDT et de la Fondation Jean-Jaurès

Cette note s’inscrit dans le cadre d’une réflexion menée en partenariat avec la CFDT, au sein d’un comité d’experts en sciences humaines et sociales composé d’Henri Bergeron, sociologue, Patrick Boucheron, historien, Patrick Castel, sociologue, Laurence Devillairs, philosophe, Serge Hefez, psychiatre, Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale, Élise Huillery, économiste, Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, Jérémie Peltier, codirecteur général de la Fondation Jean-Jaurès, et Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, anthropologue.

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