Temps de lecture 5 min
Extrait de l’hebdo n°3929
Le Réseau Action Climat et France Nature Environnement ont publié, le 16 juillet, un premier bilan des émissions de CO2 des 50 sites industriels les plus émetteurs en 2023. Ce rapport souligne une approche beaucoup trop “techniciste” des industriels et pointe divers manquements empêchant d’atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050.
La France est-elle sur la bonne voie pour réaliser son objectif de neutralité carbone en 2050 ? À en croire le rapport que viennent de publier le Réseau Action Climat (RAC) et France Nature Environnement (FNH), le 16 juillet, on peut en douter. Le titre du rapport est explicite : « La difficile mutation de l’industrie française ». Rappelons que l’industrie a représenté 17,5 % des émissions de dioxyde de carbone en 2023. C’est toujours le troisième secteur le plus contributeur après les transports et l’agriculture, et ce, malgré une petite baisse constatée l’an dernier (– 7,8 %) mais due à une baisse de la production de ciment et d’acier et non à des efforts de décarbonation.
L’an dernier, pourtant, les 50 sites les plus émetteurs (principalement des aciéries, des cimenteries et des industries chimiques, responsables à elles seules de 7,3 % des émissions de gaz à effet de serre [GES] en 2023) avaient contractualisé avec l’État en vue de réduire leurs émissions, recevant pour cela de grosses sommes d’argent. Manifestement, les efforts n’ont pas forcément été couronnés de succès, ce que montre bien le rapport du RAC et de FNH.
De fait, si certains sites affichent un bilan carbone en nette diminution (sur une période de référence allant de 2019 à 2023), tels que Novacarb-Humens à Nancy (– 24,3 %), ArcelorMittal à Dunkerque (– 30,8 %), Versalis France à Mardyck (– 30,6 %) ou Ciments Calcia à Beaucaire (– 23,3 %), d’autres ont augmenté leurs émissions de GES en 2023. C’est notamment le cas de l’usine TotalEnergies de Gonfreville-l’Orcher (+ 9,8 %), LAT Nitrogen France au Grand-Quevilly (+ 42 %), le cimentier Vicat à Peille (+ 24,1 %), Yara France au Havre (+ 29,8 %) ou Aluminium Dunkerque (+ 5,3 %).
Approche “techniciste”
Outre ces chiffres préoccupants, le rapport pointe plusieurs lacunes quant à la manière d’aborder la décarbonation : le manque de transparence vis-à-vis de la société civile concernant les feuilles de route de décarbonation ou l’absence d’engagements fermes (les industriels n’ont aucune obligation de respecter leurs objectifs et trajectoires). Mais aussi et surtout le fait que les industriels misent trop largement sur des solutions technologiques (captage, stockage de carbone…). Or, explique le rapport, « la réduction d’émissions attendue pour 2030, soit – 36,5 % par rapport aux niveaux de 2023, requiert une transformation digne d’une révolution industrielle reposant sur des évolutions de procédés, mais aussi sur l’économie circulaire et la sobriété, deux leviers de décarbonation indispensables qui doivent être bien davantage investis par les industriels ». Il s’agit donc que les industriels engagent des transformations en profondeur, portant notamment sur leurs stratégies, et ne comptent pas uniquement sur des technologies de remplacement.
Une nécessaire conditionnalité des aides
1. Le site de Dunkerque a notamment bénéficié d’une aide de l’État d’un montant de 850 millions d’euros pour sa décarbonation.
Le rapport regrette également que les industriels fassent l’impasse sur les impacts de la décarbonation en matière d’emplois et de compétences, qui sont pourtant indispensables. Et, s’appuyant sur l’exemple emblématique d’ArcelorMittal1, le rapport pointe la nécessité de conditionner les aides publiques au respect d’objectifs climatiques, sociaux et environnementaux. Une position qui cadre parfaitement avec celle de la CFDT, qui a toujours revendiqué la conditionnalité des aides publiques…