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Extrait de l’hebdo n°3902
Secrétaire nationale chargée des jeunes et de la syndicalisation, Lydie Nicol insiste sur les progrès de toute l’organisation pour faire adhérer les travailleurs de 35 ans et moins. Les résultats sont au rendez-vous, à la hauteur des efforts consentis par les militants.
Lors du congrès confédéral de Lyon, en juin 2022, il a été collectivement décidé que la syndicalisation des jeunes constituait une priorité de l’organisation. Un an et demi est passé, quel regard portes-tu sur ce début de mandature ?
Avant tout, je rappelle que lorsque l’on parle de jeunes à la CFDT, on fait référence à des travailleurs de moins de 35 ans. Cela représente donc un large groupe qui va de l’apprenti encore mineur au travailleur confirmé, en passant par l’étudiant salarié ou le jeune précaire qui débute dans la vie active. Il faut donc veiller à ne pas trop généraliser quand on parle de « jeunes ».
Cette précaution oratoire prise, on peut affirmer qu’il y a déjà plusieurs années que la CFDT a compris qu’elle devait faire un effort particulier afin d’attirer les jeunes. D’autant plus que notre pyramide des âges ne s’avère pas spécialement favorable, 51 ans étant l’âge moyen de nos adhérents. Outre le fait que notre organisation a vocation à représenter toute la diversité du monde du travail, nous devons veiller scrupuleusement au renouvellement de nos responsables. Plus on aura d’adhérents jeunes, plus nos revendications seront pertinentes et plus il sera facile de repérer et former les militants CFDT de demain.
Ce qui est en train de changer depuis le congrès de Lyon, c’est que ce constat partagé par tous se transforme progressivement en actions concrètes sur le terrain. Nous avons franchi un palier, et les résultats sont au rendez-vous !
Est-ce à dire que de plus en plus de jeunes rejoignent la CFDT ?
Oui, les résultats sont là, incontestables. Le nombre d’adhérents progresse très fortement depuis un an et, parmi ces nouveaux adhérents, la proportion des moins de 35 ans tourne autour de 22 % – un très bon taux quand on sait que le nombre de jeunes ne représente encore que 9,5 % de l’ensemble des adhérents ; ces jeunes sont 59 332 sur un total de 618 375 adhérents. En résumé, les personnes qui ont rejoint la CFDT ces derniers mois sont plus jeunes que d’habitude. Et la proportion de jeunes femmes est aussi plus élevée.
Comment expliques-tu ces résultats ?
1. Comités sociaux et économiques.
Il y a plusieurs explications. Le mouvement des retraites a joué, c’est indéniable. Les organisations syndicales, leurs actions et leurs valeurs ont été plus visibles dans les médias et les rues de toutes les villes françaises, quelle que soit leur taille. Cela a certainement donné envie à une partie des travailleuses et travailleurs de nous rejoindre. Ce mouvement a également reboosté nos militants, qui ont été fiers de porter les couleurs de la CFDT pendant cette période. Ce sont ces mêmes militants qui ont su convaincre d’autres travailleurs, et pas seulement leurs collègues, de nous rejoindre.
Cela dit, le mouvement des retraites n’explique pas tout. Il a donné une belle image de la CFDT mais il ne faudrait pas oublier les éléments décisifs que sont les élections dans la fonction publique et le renouvellement des CSE1 dans le secteur privé. D’ailleurs, c’est souvent au moment de monter des listes que l’on va vers les salariés, qu’on les convainc de nous rejoindre.
Mais si l’on se concentre uniquement sur les jeunes, comment expliquer qu’ils rejoignent plus facilement qu’auparavant la CFDT ?
En matière de syndicalisation des jeunes, je suis persuadée que nous avons franchi un cap. Nous sommes moins frileux lorsqu’il s’agit de proposer l’adhésion à tous les travailleurs, qu’ils soient en CDI, précaires ou isolés. C’est un véritable changement culturel. Nous n’attendons plus qu’une personne soit confortablement installée dans la vie professionnelle pour lui demander de nous rejoindre. En cela, la campagne menée cet été par toute la CFDT en direction des saisonniers et des jeunes en job d’été marque un tournant. Il s’agissait d’une vraie campagne de syndicalisation et pas seulement d’une campagne d’information sur leurs droits, comme nous le faisions traditionnellement.
Nous leur avons réellement proposé de nous rejoindre et cela a marché, quel que soit leur statut, en misant sur la proximité et la qualité du contact établi. Du 1er juillet au 31 octobre 2023, nous avons fait 26 000 nouvelles adhésions, soit 20 % de plus que l’année précédente. En matière de revendications, je pense que les militants savent aussi mieux faire savoir que nous sommes une organisation féministe, résolument engagée dans la lutte contre toutes les formes de discrimination. Or les nouvelles générations se sentent particulièrement concernées par ce sujet. Reste à présent à réussir la deuxième étape : fidéliser ces nouveaux adhérents.
Quelles sont les marges de progrès ?
Je pense que nous devons encore progresser sur notre capacité à prendre en compte l’extrême diversité des travailleurs de moins 35 ans. Je le répète : il n’y a pas une seule mais plusieurs jeunesses dans notre pays, lesquelles n’ont pas forcément grand-chose à voir les unes avec les autres. Leur seul point commun, finalement, c’est que la jeunesse est un état passager. On ne s’adresse donc pas de la même façon à un apprenti, à un travailleur précaire et à un cadre dynamique. Il faut en avoir conscience, mais aussi accepter que ces jeunes femmes et ces jeunes hommes bousculent nos pratiques pour mieux prendre la place qui doit être la leur. C’est tout l’enjeu du renouvellement militant…
Nous devons également faire connaître davantage nos revendications « jeunes ». Aux yeux de la CFDT, la place qui leur est faite dans notre société est, à bien des égards, inacceptable. Nous nous battons pour qu’ils puissent être des citoyens pleinement autonomes. Le fait d’être jeune ne peut justifier des ruptures d’égalité comme celle qui consiste à prétendre que les moins de 25 ans ne peuvent avoir droit à un revenu minimum. On ne peut tolérer que « jeunesse se passe » en étant mal nourrie, mal logée, mal soignée, mal considérée et que les jeunes soient dans l’impossibilité d’envisager leur avenir avec confiance. La CFDT a toujours dénoncé ces injustices ; elle s’est battue et a obtenu, entre autres au moment de la crise sanitaire, des aides spécifiques. Certes, il reste encore beaucoup à faire, notamment dans les domaines de la santé et du logement, avec les jeunes, pour les jeunes.