Les atteintes psychiques aussi

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Un statu quo insupportable

Au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), la CFDT s’est battue avec succès pour faire reconnaître l’épuisement professionnel comme accident du travail. Une victoire qui récompense un travail de longue haleine.

Par Claire Nillus— Publié le 27/10/2023 à 09h00 et mis à jour le 27/10/2023 à 09h00

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© Xavier Popy / REA

En novembre 2015, Patrick, ingénieur au CEA, demande un entretien au responsable du département dans lequel il travaille depuis dix ans. Il souhaite lui faire part de sa volonté de monter en compétences et changer de service. Mais cela ne se passe pas du tout comme il l’avait espéré. Son supérieur hiérarchique prend très mal la nouvelle, lui explique qu’il n’y est pas favorable et qu’il lui mettra des bâtons dans les roues. Lorsqu’il revient dans le bureau qu’il partage avec ses collègues, Patrick est en larmes.

Inquiets, ses collègues l’envoient chez un médecin qui l’arrête pour épuisement professionnel, lui prescrit des médicaments et déclare l’accident de travail. Celui-ci est rejeté par la Sécurité sociale, l’employeur ayant déclaré qu’il ne s’était rien passé. Patrick reprend le travail quelques jours plus tard et l’histoire pourrait s’arrêter là.

Mais Jean-Pierre Corot, défenseur syndical CFDT et membre du CHSCT, remarque ce dossier peu fourni. «Cela m’a interpellé, confie-t-il, je voulais savoir ce qui lui était arrivé. J’ai pris contact avec le salarié et constaté, comme souvent, que ce dernier ignorait qu’il pouvait se faire accompagner par la CFDT.»

Ensemble, ils décident de monter un nouveau dossier auprès de la commission de recours amiable (préalable obligatoire à toute saisine du tribunal) pour contester le rejet du dossier par la Sécurité sociale. Nouveau refus.

«Nous décidons alors de lancer un contentieux général auprès du pôle social du tribunal de Tours (anciennement tribunal des affaires de Sécurité sociale), poursuit Jean-Pierre. Nous sommes déjà en novembre2017, donc deux ans après les faits. Cette fois, le juge nous donne raison. Il reconnaît que le salarié a été profondément affecté par les propos tenus par sa hiérarchie.»

Mais l’assurance maladie fait appel de ce jugement. C’est reparti pour deux ans d’attente. En 2019, Jean-Pierre plaide enfin l’affaire à la cour d’appel d’Orléans, qui confirme le jugement. En tant que défenseur syndical pour la Sécurité sociale habilité par la Cnas, Jean-Pierre peut en effet défendre des victimes même s’il n’est pas avocat. «Ce que nous voulions obtenir, dit-il, c’était une vraie décision de justice, pas de l’argent. Il nous fallait revenir en CHSCT avec un jugement qui fasse jurisprudence en matière de risques psychosociaux dans l’entreprise. Cette première victoire oblige l’employeur à réfléchir. Un nouveau cas s’est présenté depuis. Nous sommes prêts à le défendre, même si c’est long. Nous voulons faire cesser ce type de management brutal et accidentogène.»