“Il est important que le salarié se sente acteur de son travail ”

Retrouvez le dossier complet
Mon travail idéal

Thierry Rousseau et Andréas Agathocléous sont chargés de mission à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT). Interview.

Par Sabine Izard— Publié le 02/01/2024 à 07h07

image
© Franck Crusiaux

Qu’est-ce que le travail idéal ?

Le concept de travail idéal n’existe pas car il est subjectif. Ce qui ne l’est pas, en revanche, ce sont les conditions à déployer pour que le travail soit confortable, ne blesse pas, n’épuise pas le travailleur, et qu’il favorise son insertion professionnelle ainsi qu’une certaine réalisation de soi. On pourrait alors parler de « meilleur travail possible ». La recherche d’un équilibre entre vie privée et vie professionnelle est aujourd’hui très importante. La capacité de se projeter dans son travail dans dix ou vingt ans l’est tout autant.

Quels sont les moyens à déployer dans l’entreprise ?

Il est important que le salarié se sente acteur, depuis la définition de la stratégie de l’entreprise jusqu’à la finalité de son travail. Il ne s’agit pas d’autogestion ou de cogestion, mais que l’entreprise tienne compte de ce que le salarié vit quotidiennement et lui autorise une parole sur ce qu’il fait. Le travail doit aussi avoir du sens, c’est-à-dire que le salarié doit en connaître la finalité –  et cette finalité, comme le processus de production et la stratégie de l’entreprise, doit être en accord avec ses propres valeurs.

“La charge de travail, l’organisation du travail, tout cela se négocie dans l’entreprise. Sinon, le management de proximité a du mal à se réguler.”

Pour cela, il a besoin de ressources : un management de proximité qui est disponible et une organisation qui lui permette d’effectuer un travail de qualité. Il faut notamment trouver un équilibre entre le besoin d’autonomie et un trop-plein d’autonomie, qui est préjudiciable à l’activité. Le salarié doit savoir ce qu’il va faire et comment il va le faire. De même, une trop grande charge de travail, comme une sous-charge, entraîne une souffrance au travail. Enfin, si le travail est trop séquencé, le salarié perd le sentiment d’utilité. La question de la reconnaissance, symbolique et salariale, est également importante. Tout comme la justice organisationnelle (égalité professionnelle, parcours dans l’entreprise, etc.). L’organisation doit être qualifiante, autoriser les salariés à développer leurs compétences, leur savoir-faire et construire des trajectoires.

Quelle est la place du dialogue social dans tout ça ?

La charge de travail, l’organisation du travail, tout cela se négocie dans l’entreprise. Sinon, le management de proximité a du mal à se réguler. Un contre-pouvoir dans l’entreprise est donc nécessaire. L’accord national interprofessionnel de 2013 sur la qualité de vie au travail va dans le bon sens. Les conditions de travail dans l’entreprise doivent faire l’objet d’un dialogue social plus poussé. Les syndicats doivent discuter de ce qui fait l’activité, mieux intégrer le travail au fonctionnement de l’entreprise. On s’approcherait alors d’un modèle idéal.