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Extrait de l’hebdo n°3924
Afin de sauver leurs missions au service des 20 millions de salariés du privé, la CFDT, la CGT et la CFE-CGC se mobilisent, ensemble. L’intersyndicale dénonce notamment une baisse continue des moyens qui menace leurs activités en faveur de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.
1. Institut national de recherche et de sécurité.
« On a besoin de vous », a déclaré Stéphane Pimbert, directeur général de l’INRS1, en accueillant, le 11 juin, Marylise Léon venue soutenir des salariés de plus en plus inquiets pour leur avenir : après quatre années d’attrition, l’activité de l’INRS est en danger, faute de moyens suffisants. Mardi 11 juin, les trois organisations syndicales présentes à l’INRS organisaient donc un rassemblement devant le ministère chargé de la Santé et de la Prévention pour se faire entendre.
Une délégation a été reçue par le cabinet de la ministre Catherine Vautrin. « Ce qui en ressort, c’est que nos revendications heurtent le plan d’économies du gouvernement. C’est donc Bercy qui a la main, déplore Christian Darne, délégué syndical central CFDT. On nous refuse 25 millions d’euros pour les quatre années à venir. Or les moyens sont là : la branche AT-MP de l’assurance maladie a accumulé depuis 2016 un excédent de près de 7 milliards d’euros issu des cotisations des entreprises, excédent qui devrait revenir à la prévention et à la réparation des accidents du travail… mais qui va partir dans les caisses de l’État. »
Un organisme administré paritairement
Pour rappel, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles est l’organisme de prévention de la Sécurité sociale. Administré par les partenaires sociaux et soumis au contrôle financier de l’État, il emploie 579 personnes, et la totalité de ses activités est consacrée à la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Dans cette optique, les chercheurs de l’INRS réalisent une centaine d’expérimentations chaque année, en laboratoire et sur le terrain, et assurent une veille sur les risques nouveaux.
L’institut dispense également des formations auprès des ministères, des entreprises et des salariés. Ses ressources dépendent de la convention d’objectifs et de gestion (COG) de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) de la Sécurité sociale, une enveloppe négociée entre l’État, les partenaires sociaux et la Caisse nationale de l’assurance maladie. Or, depuis deux ans, ce budget n’est pas voté. Bon an mal an, l’INRS fonctionne dorénavant grâce à une « clause de sauvegarde » prévue par l’assurance maladie mais, faute de visibilité quant à son avenir, les investissements et les embauches nécessaires ont été mis entre parenthèses.
Fin mai, l’État a consenti à rouvrir les discussions afin d’aboutir en vue du prochain PLFSS. Mais le financement annoncé reste nettement inférieur (25 % de moins) à ce qui a été voté par le conseil d’administration de l’INRS. « Nous avons déjà dû geler tous les recrutements et si cela se confirme, nous allons perdre une centaine d’emplois dans tous les métiers d’ici à 2027, poursuit Christian Darne. L’INRS est une référence aux niveaux national et européen. Mais si l’on continue à l’affaiblir financièrement, il sera facile de démontrer son inutilité. »
Ainsi, malgré la volonté exprimée lors de l’accord national interprofessionnel AT-MP du 15 mai 2023 de flécher 100 millions d’euros supplémentaires par an sur le volet prévention, malgré le quatrième plan santé au travail 2021-2025 – qui inclut un plan « accidents graves et mortels » afin de réduire le nombre de morts au travail (deux par jour) – et malgré les récentes annonces du gouvernement, qui s’est ému de ce nombre, cet arbitrage financier menace directement la mission de l’INRS, laquelle consiste à « rendre le travail plus sûr ».
Un risque accru de sinistralité
Une prochaine séance de négociation est fixée au 17 juin. « Les moyens de la COG n’ont pas besoin d’une validation par l’Assemblée nationale ; il n’y a aucune raison de ne pas avancer sur le sujet », affirme Christian Darne. Les organisations syndicales ne sont pas les seules à monter au créneau. Le 12 juin, le conseil d’administration de l’INRS a communiqué, lui aussi, par les voix de ses président et vice-président, sur « les incohérences de son financement par Bercy » : « Nous ne pouvons accepter cette situation dont le résultat va accentuer la sinistralité en termes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, et par voie de conséquence la détérioration des comptes de la Sécurité sociale », déclarent-ils. On ne saurait être plus clair.