Ententes illicites dans la filière béton : la FNCB-CFDT s’inquiète pour les salariés du secteur

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iconeExtrait de l’hebdo n°3927

L’Autorité de la concurrence a récemment sanctionné onze entreprises qui se sont livrées à des ententes illicites dans le secteur des produits préfabriqués en béton. La CFDT Construction et Bois redoute des conséquences sur l’emploi.

Par Sabine Izard— Publié le 09/07/2024 à 12h00

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© Laurent Grandguillot/RÉA

Un peu plus de 76,6 millions d’euros : c’est le montant de la sanction prononcée, début juin 2024, par l’Autorité de la concurrence à l’encontre de onze entreprises du secteur des produits préfabriqués du béton. L’objet de l’infraction : la mise en place d’ententes illicites concernant la répartition des appels d’offres, la hausse des tarifs et le partage d’informations sensibles.

L’Autorité de la concurrence aurait notamment décelé une entente nationale entre KP1, Rector et SEAC (les trois entreprises les plus sanctionnées dans cette affaire). « Pour s’entendre, les parties participaient à des réunions secrètes organisées dans le cadre de différents groupements dont l’objectif, la promotion des produits préfabriqués en béton, était détourné. […] Lors de ces réunions, les parties s’échangeaient des informations relatives aux volumes de ventes réalisées auprès des entreprises de construction au niveau national et par région, et fixaient les quotas de vente à respecter par région. Pour suivre la répartition des marchés, les directions nationales des parties compilaient leurs échanges dans des tableaux qui étaient transmis ensuite aux échelons régionaux pour la mise en œuvre de l’entente au niveau local. […] ces tableaux comportaient des codes permettant de dissimuler le nom des entreprises et la teneur des discussions anticoncurrentielles », développe-t-elle dans un communiqué daté du 3 juin.

Selon elle, « ces pratiques étaient profondément ancrées dans le mode de fonctionnement du secteur, au point que certains participants aux pratiques ont déclaré avoir “perdu de vue” le caractère illégal de leurs agissements et être dans l’impossibilité de déterminer de manière précise le début des pratiques, lesquelles, selon eux, pourraient remonter aux années 1980 ».

Derrière la fraude, des milliers de salariés impactés

Les amendes infligées aux entreprises concernées par cette fraude pourraient avoir de lourdes conséquences sur l’emploi dans un secteur déjà en grande difficulté. « Nous sommes très inquiets car ces sanctions concernent les plus grosses entreprises du secteur ; plus de 6 000 salariés seraient impactés par la fraude, explique Pascal Roussel, secrétaire national de la CFDT Construction et Bois. Depuis des années, la Fédération de l’industrie du béton – qui représente les entreprises sanctionnées au sein de la branche professionnelle Carrières et matériaux – arguë que ce secteur connaît des difficultés économiques et ne peut donc pas respecter les accords de salaires minimaux conventionnels. » À la suite de l’intervention du ministère du Travail, un accord avait été trouvé afin d’harmoniser sur trois ans l’ensemble des salaires pour les salariés de l’industrie du béton. Il est en vigueur le 1er juillet 2024. « Ça représente entre 10 et 15 % d’augmentation de salaire. C’est sûr qu’avec l’annonce des amendes, il y aura des fermetures de sites, voir des suppressions d’emplois. Nos équipes nous alertent déjà sur le sujet, même si l’argument principal est la baisse d’activité et des perspectives défavorables dans le secteur de la construction. »

Par ailleurs, selon Pascal Roussel, certaines entreprises du négoce envisagent de porter plainte contre les entreprises sanctionnées par l’Autorité de la concurrence car elles estiment avoir perdu des clients qui ont dû déposer le bilan à la suite des ententes illicites, ne pouvant faire face à la hausse des prix des matériaux dans le secteur. « Ce qui a eu des conséquences sur leur chiffre d’affaires. »

À propos de l'auteur

Sabine Izard
Rédactrice

« Nous restons vigilants au niveau de la branche quant à la bonne application des accords de salaires minimaux conventionnels, poursuit Pascal Roussel. Si nécessaire, nous mènerons des actions et accompagnerons les équipes. Il sera peut-être possible, par exemple, de contester les plans sociaux qui découleront de ces fraudes. Nous étudierons cela en temps voulu avec nos avocats. »