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Extrait de l’hebdo n°3918
Le 28 avril, Journée mondiale de la santé et de la sécurité au travail, le mouvement syndical international se mobilisait face aux effets du réchauffement climatique sur les travailleurs exposés aux phénomènes météorologiques extrêmes.
1. Assurer la sécurité et la santé au travail à l’heure du changement climatique.
« Promouvoir, respecter et réaliser le droit fondamental à un environnement de travail sûr et sain, cela signifie également s’attaquer aux impacts dangereux du changement climatique sur le lieu de travail », déclare l’Organisation mondiale du travail (OIT), qui vient de publier un rapport1 en ce sens. Elle y classe les dangers du changement climatique en six catégories choisies pour leur gravité et l’ampleur de leurs effets sur la santé : chaleur excessive, rayonnement ultraviolet, phénomènes météorologiques extrêmes, pollution de l’air, maladies infectieuses et utilisation de produits agrochimiques.
Les impacts du changement climatique sur la santé sont identifiés depuis de nombreuses années déjà, mais il existe de plus en plus de données disponibles et elles sont de plus en plus inquiétantes, souligne le rapport. Chaque année, 2,41 milliards de travailleurs sont ainsi directement exposés à des risques en lien avec le dérèglement climatique (ouragans, inondations, sécheresse, incendies, canicules…), en extérieur comme en intérieur, dans des milieux chauds et mal ventilés.
Faire évoluer la réglementation
Si les législations nationales relatives à la santé et la sécurité au travail visent depuis toujours à protéger les travailleurs des températures extrêmes, on constate des disparités de taille : jusqu’à 10 °C d’écart entre l’Autriche et le Vietnam, par exemple. En Autriche, la température de l’air des locaux professionnels doit se situer entre 19 et 25 °C pour un travail peu physique et entre 18 et 24 °C pour un travail impliquant un effort physique. Au Vietnam, la règle est de ne pas dépasser 34 °C pour les travaux légers, 32 °C pour les moyens et 30 °C pour les lourds. Autre exemple : en Malaisie, les maladies résultant d’une exposition sévère à la chaleur, comme les crampes de chaleur ou les coups de chaleur, sont considérées comme des maladies professionnelles. Au Liban ou en Suisse sont estimées comme telles les maladies résultant d’une exposition au rayonnement UV (érythème solaire, lésions oculaires, cancers de la peau…). Ce n’est pas le cas dans bien d’autres endroits du globe.
« Rien n’est inévitable, et ce rapport montre que l’on peut agir », commente Rory O’Neill, conseiller en matière de sécurité et de santé au travail à la Confédération syndicale internationale (CSI). « Mais il faut adapter les réglementations, procéder à l’évaluation des risques en bonne et due forme, et s’appuyer sur les outils qui existent : la négociation collective, la formation des travailleurs et leurs représentants en matière de santé et sécurité au travail. Les syndicats ont un rôle essentiel pour impliquer les employeurs face aux nouveaux risques environnementaux au travail. »
Plus de deux décès par jour en France
Pour le mouvement syndical international, le 28 avril est aussi une journée de commémoration des travailleurs morts ou blessés au travail. Pour sa part, la CFDT rappelle que la France dénombrait 738 accidents mortels au travail en 2022, soit plus de deux par jour. Le secteur du BTP est le plus touché, avec 200 décès. La Fédération nationale Construction et Bois (FNCB) précise que les apprentis et les nouveaux embauchés sont les travailleurs les plus exposés, et que la sous-traitance des tâches les plus pénibles est un facteur aggravant de la mortalité dans la construction.
À la veille de cette commémoration, la FNCB appelait donc à davantage de dialogue social dans les entreprises et dans les branches pour une meilleure organisation du travail et une meilleure formation des travailleurs à la sécurité. « Alors que ces impacts sont connus et récurrents depuis plusieurs années, la prise en compte des risques sur les lieux de travail s’effectue principalement dans l’urgence, appuie Isabelle Mercier, secrétaire nationale chargée de la santé au travail. Ils doivent être anticipés par des accords dans les entreprises et les administrations. » Dans son manifeste pour une transition écologique juste adopté en décembre 2023, la CFDT rappelait également l’importance de faire de la transition écologique un objet de dialogue social, « tant pour protéger la santé des travailleurs et travailleuses que pour définir des modalités de travail plus durables ».