La filière vin s’inquiète de l’impact du réchauffement climatique sur les conditions de travail

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iconeExtrait de l’hebdo n°3931

À la demande de l’association Vignerons engagés, une grande enquête est menée auprès des travailleurs de la vigne pour mieux connaître et ainsi prévenir les risques que fait peser le réchauffement climatique sur la santé, la sécurité et la pénibilité du travail. La CFDT Agri-Agro est partenaire.

Par Emmanuelle Pirat— Publié le 03/09/2024 à 12h00

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© Richard Damoret/RÉA

1. Association professionnelle de vignerons à l’initiative de l’enquête menée auprès des professionnels de la vigne.

Il n’est pas si courant de voir un secteur d’activité d’étudier sérieusement les impacts du réchauffement climatique sur les conditions de travail – d’où l’importance de souligner la démarche engagée par la filière viticole. Objectif : mieux connaître, et donc mieux prévenir, les impacts du réchauffement sur la santé, la sécurité de ces travailleurs et la pénibilité de leur travail. « La filière vin se trouve particulièrement vulnérable face aux aléas climatiques. Après le BTP, c’est la deuxième filière impactée par le réchauffement climatique. Et, jusqu’à présent, les impacts en matière de conditions de travail sont restés très peu documentés », note Iris Borrut, directrice des Vignerons engagés1, lors d’une présentation de l’étude intitulée Cliseve (Climat, Santé et Vignobles), et dont la CFDT Agri-Agro est partenaire.

Des impacts sur la santé physique et mentale

Évidemment, on pense au risque de coup de chaud lorsqu’il s’agit de vendanger sous des températures supérieures à 30 °C. Le décès l’an dernier de plusieurs vendangeurs de raisins destinés à faire du vin de Champagne, du fait de chaleurs extrêmes, est encore dans tous les esprits. Mais la palette des impacts va bien au-delà de ceux liés à la hausse des températures. L’évolution de l’environnement biologique et chimique (présence d’insectes, traitements phytosanitaires…) ou la survenue plus fréquente d’aléas climatiques (pluies torrentielles, sécheresses) apportent également leur lot de risques. Y compris dans le domaine de la santé mentale : un sommeil de moins bonne qualité du fait de fortes chaleurs peut rapidement avoir des conséquences sur le moral, augmenter l’irritabilité ou encore provoquer des états dépressifs, etc.

En vue d’affiner les constats selon les types de travailleurs (propriétaires ou salariés, par exemple), l’enquête a été conçue en deux volets. Un premier volet, qui porte sur la consultation des professionnels (exploitants, coopératives ou domaines sur l’ensemble du territoire national), a été réalisé en avril et qui a donné lieu à une restitution lors d’un webinaire en juin dernier. On y apprenait, entre autres, que 80 % des répondants ont déjà constaté des impacts sur leur santé physique et 37 % des impacts sur leur santé mentale. Plus de huit répondants sur dix estiment par ailleurs que les fortes chaleurs pourraient rendre les conditions de travail intenables, et 43% pourraient renoncer à travailler dans la filière d’ici à cinq ans, en raison de conditions devenues trop difficiles.

Affiner le cahier revendicatif

Le second volet de l’enquête menée auprès des salariés et saisonniers de la vigne, prévue pendant la période des vendanges, est donc en cours. Le questionnaire, qui prend une dizaine de minutes, a été traduit en différentes langues (arabe, bulgare, espagnol, portugais et roumain) afin d’assurer la plus grande accessibilité et la diffusion la plus large possible. La CFDT Agri-Agro en attend avec impatience les résultats, prévus en novembre prochain. « Ces données vont nous permettre d’affiner nos revendications et de les porter dans les différentes négociations en cours sur les conditions de travail », indique Benoît Delarce, secrétaire national de la CFDT Agri-Agro.

2. Conseil économique, social et environnemental.

À propos de l'auteur

Emmanuelle Pirat
Journaliste

Plus globalement, pour la filière viticole, cette enquête marque une première étape importante : les restitutions donneront lieu à des concertations avec l’ensemble des acteurs de la filière. Un « baromètre national sur la santé et climat » devrait d’ailleurs être créé. L’initiative pourrait également servir à d’autres branches ou d’autres secteurs, comme le préconisait dès avril 2023 l’enquête du Cese2 relative aux effets du dérèglement climatique sur les conditions de travail.